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Manifestations: pourquoi il y a beaucoup de gardes à vue et peu de poursuites

Dans "Apolline Matin" ce jeudi sur RMC et RMC Story, Nicolas Poincaré se penche sur les chiffres des interpellations et des gardes à vue lors des manifestations sauvages de ces derniers jours.

Depuis le début des rassemblements spontanés contre la réforme des retraites, on assiste à un grand nombre d’arrestations et de placements en garde à vue. Des avocats dénoncent des gardes à vue arbitraires. Les chiffres posent question. Lors des trois premières soirées de manifestations sauvages qui ont suivi l’utilisation du 49.3, 425 personnes ont été placées en garde à vue. Parmi ces 425 personnes, 52 seulement ont fait l’objet de poursuites et pour la plupart seront jugées plus tard.

Les autres ont été libérés sans qu’aucune charge ne soit retenue. Il y a donc eu 373 personnes qui ont été retenues entre 24 et 48 heures dans des commissariats avant que finalement, on leur dise: vous pouvez rentrer chez vous, votre placement en garde à vue n’était pas justifié, c'était une erreur.

Autrement dit, il y a eu 373 erreurs en trois jours. Ça fait beaucoup. Une garde à vue qui se termine sans poursuite, cela devrait être l'exception. Ces derniers jours, c’est devenu la règle…

On a pu lire aussi ces derniers jours de nombreux témoignages sur les conditions de ces gardes à vue… Des conditions aggravées par le fait que ces gardes à vue étaient nombreuses, en particulier à Paris, ce qui veut dire qu’il y avait “embouteillage”. Souvent, les personnes interpellées ont été retenues dans des bus plusieurs heures avant de rejoindre un commissariat.

Une étudiante de Sciences Po, Aésa Virely, a raconté sur les réseaux sociaux avoir été arrêtée à Paris avec 11 autres femmes. Une vidéo montre que ces arrestations se sont faites dans le plus grand calme, aussi bien du côté des manifestantes que du côté des policiers.

Ces 12 femmes ont ensuite été enfermées 20 heures dans une seule cellule, avec des matelas sommaires qui sentaient l’urine. Elles ne pouvaient accéder aux toilettes qu’à condition de garder la porte grande ouverte. Elles ont finalement toutes été relâchées sans poursuite…

Participer à une manifestation interdite, ce n’est pas un délit

Dans les journaux, ces derniers jours, on a lu de nombreux témoignages de gardés à vue, fouillés en sous vêtement, et sur la difficulté pour obtenir de quoi boire ou manger.

Libération a aussi raconté l’histoire de deux jeunes Autrichiens de 15 ans qui étaient en voyage de classe à Paris, qui se sont retrouvés en garde à vue et qui disent avoir été humiliés et insultés. Ils ont finalement été libérés après intervention de leur ambassade.

La plupart de ces gardés à vue ont tout de même participé à des rassemblements interdits. Ou en tout cas, à des rassemblements qui n’ont pas fait l’objet de demande d’autorisation. Mais cela ne justifie pas le placement en garde à vue.

On ne peut retenir quelqu’un de force dans un commissariat que s’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il ait participé à un crime ou à un délit passible d’une peine de prison. C’est logique, on n’enferme pas sans procès quelqu'un qui ne risque pas une peine d’enfermement.

Or, participer à une manifestation interdite, c’est puni par une simple amende de quatrième classe. Ce n’est pas un délit, ça ne peut pas vous conduire en garde à vue.

Du coup, les manifestants sont poursuivis pour d’autres infractions. Comme “outrage”, “rébellion” ou le plus souvent pour “participation à un groupement en vue de la préparation de violences”. On sanctionne donc une intention qui dans la réalité est assez difficile à prouver… C’est un texte qui avait été prévu au départ pour prévenir les violences des hooligans et qui est aujourd’hui appliqué aux manifestants.

Le préfet de police, Laurent Nunez, conteste sur BFMTV qu’il y ait des interpellations injustifiées. Il explique que les manifestants ne sont arrêtés que lorsque les infractions sont constituées mais que 48 heures de garde à vue, c’est court pour matérialiser les faits.

Autrement dit, les manifestants sont relâchés parce que les policiers ne parviennent pas à prouver dans les temps que l’on avait quelque chose à leur reprocher…

Claire Hédon, la Défenseure des droits, n’est pas convaincue. Elle alerte sur des mesures de privation de liberté qui pourraient être disproportionnées.

Nicolas Poincaré