Manifestation "glaçante" des policiers: pourquoi la plainte de Gérald Darmanin contre Audrey Pulvar a peu de chances d'aboutir?

La manifestation des forces de l’ordre, la semaine dernière, continue de susciter la polémique. Dimanche, Gérald Darmanin a annoncé qu’il allait déposer plainte, au nom du ministère de l’intérieur, contre Audrey Pulvar, candidate aux élections régionales en Île-de-France. Et un ministre de l'Intérieur qui veut poursuivre une candidate tête de liste aux régionales: c'est inédite.
Et elle dit combien le débat politique s’est tendu, électrisé en quelques jours.
Mercredi dernier, des milliers de policiers se sont réunis devant l’Assemblée Nationale pour dire leur mal être et cibler la justice, laxiste à leurs yeux. Et ils n'étaient pas seuls. Une partie de l’extrême droite, du gouvernement mais aussi de la gauche s'est joint au rassemblement.
Un rassemblement qui a fait grincer des dents. Audrey Pulvar, candidate du PS en Île-de-France, a déploré samedi sur France Info une manifestation "glaçante":
"La colère des policiers est légitime, mais qu’elle s’exprime de cette façon, en marchant sur l’assemblée nationale, je trouve ça extrêmement inquiétant, c’est une image qui était assez glaçante", a-t-elle assuré.
La gauche s'indigne
Et ce sont donc ces propos que Gérald Darmanin veut attaquer. Il a assuré avoir porté plainte pour diffamation. Mais sa plainte a peu de chances d'aboutir. Car la diffamation, selon sa définition, est une allégation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne ou d’un corps constitué, même de manière déguisée ou insinuée.
Or, dans le cas présent, difficile de voir quelle partie de la phrase d’Audrey Pulvar peut être jugée diffamatoire. D'ailleurs, tous les responsables de gauche qui se sont exprimés dimanche soir ont pointé du doigt le coup de communication du ministre de l’intérieur, et ont affirmé que cette plainte n’avait "aucune chance d’aboutir", a notamment estimé l’écologiste Eric Piolle.
Car la plainte du ministre de l'Intérieur pourrait servir la gauche qui a défendu Audrey Pulvar en bloc. La même gauche qui s'était divisée au sujet de la participation à la manifestation tient là une position unanime. Les socialistes ont dénoncé, dans un communiqué, une manœuvre politicienne et une tentative d’intimidation. "Intimider", c’est également le verbe retenu par Jean-Luc Mélenchon, qui reproche à Gérald Darmanin de jouer les gros bras. Condamnations également chez les écologistes, y compris de certains candidats aux régionales en Île-de-France, des concurrents d’Audrey Pulvar. Gérald Darmanin a donc réussi en un tweet à mettre d’accord l’ensemble de la gauche. C’est presque un exploit...
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Un moyen de soutenir les policiers?
Alors pourquoi Gérald Darmanin a-t-il déposé plainte? Car difficile d'imaginer qu'il ne sache pas que sa plainte avait peu de chances d'aboutir. Tout d'abord, la plainte vise également d'autres propos d'Audrey Pulvar concernant le racisme dans la police datant de juin 2020. Mais ces propos pourraient être prescrits, le délais étant de trois mois quand il s'agit de diffamation.
La plainte apparaît comme un moyen pour le ministre de l'Intérieur de soutenir les policiers et de redorer son image auprès d'eux. Car le passage de Gérald Darmanin au rassemblement de mercredi a été mouvement. Accompagné du préfet de police de Paris Didier Lallement, les deux hommes ont été hués et chahutés par les policiers présents.
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