"Notre ras-le-bol": lettre ouverte de jeunes aulnaysiens suite aux violences dans les banlieues

Suite aux violences de ces derniers jours, des jeunes aulnaysiens ont voulu "rétablir leur vérité" - BORIS HORVAT / AFP
"Pourquoi finalement l'affaire Théo a-t-elle seulement sonné comme une grenade qui a dégoupillé? Pourquoi la cité est à l'image d'un cocotte-minute prête à exploser à la moindre bavure? Nous ne pensons pas apporter une vérité générale mais juste un point de vue, notre point de vue de jeunes vivants dans les quartiers nord d'Aulnay-Sous-Bois depuis toujours.
Indignés à notre façon:
Si nous avons décidé de prendre le crayon aujourd’hui, c’est pour rétablir quelques vérités et, surtout, rendre compréhensible une situation qui semble confuse. Aux premières loges des émeutes de 2005 et vivants depuis toujours dans le quartier de la Rose-des-Vents, à Aulnay-sous-Bois, ce qui se passe aujourd’hui nous donne un terrible sentiment de déjà-vu.
C’est le regretté Stéphane Hessel qui disait "Hélas, l’histoire donne peu d’exemples de peuples qui tirent les leçons de leur propre histoire". Le viol de Théo, figure connue de tous dans la cité des 3000, et qui nous a tous profondément choqué n’est qu’une énième goutte d’eau qui vient s’ajouter à un vase débordant depuis bien longtemps.
Les émeutes qui ont éclaté sur Aulnay-Sous-Bois ne sont pas uniquement le résultat d’une indignation quant à une arrestation 'musclée' d’un 'bamboula' (comme le dirait si bien Luc Poignant, syndicaliste policier). Il s’agit aussi de la manifestation d’un ras-le-bol général de la jeunesse aulnaysienne.
Un ras-le-bol contre une politique des banlieues absolument inefficace depuis plus de 30 ans.
Un ras-le-bol contre le taux de chômage local chez nos jeunes qui atteint des records sur le territoire, en dépit de leur bonne volonté qui n’a de cesse d’être remise en cause à des fins politiques par des élus de tous bords.
Un ras-le-bol contre de fausses solutions telles que le modèle de l’uberisation de la société, créant des travailleurs pauvres d’abord chez nos jeunes de banlieue.
Un ras-le-bol contre notre municipalité qui, dès qu’elle est arrivée, a supprimé l’ensemble des assistantes sociales sur la ville.
Un ras-le-bol de voir notre classe politique en pleine primaire lâcher des phrases anodines pour certains et qui sonnent comme des bombes à nos oreilles.
Un ras-le-bol de voir que chaque gouvernement, sous couvert d’identité nationale, hiérarchise la compatibilité des confessions aux valeurs de la République pour quelques voix faciles.
Tout cela sur fond de l’affaire Adama Traoré qui résonne dans nos cœurs indignés et qui n’a toujours pas été résolue.
L’abbé Pierre disait: "Quand on s’indigne, il convient de se demander si l’on est digne".
Nous sommes conscients que la violence n’est pas la bonne manière de se faire entendre. Mais, en l’absence du moindre représentant politique ou médiatique, n’est- ce pas le seul moyen d’expression qu’il nous est laissé?"