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Police-Justice

Pourquoi le Conseil constitutionnel a retoqué l'article 24 de la loi Sécurité globale

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Le Conseil Constitutionnel estime que l'article controversé est bien trop flou en particulier sur la notion d'intention de l'auteur supposé du délit.

Coup dur pour Gérald Darmanin. Le Conseil constitutionnel a retoqué jeudi l'article 24 de la loi Sécurité Globale. Cet article controversé punissait la "provocation à l'identification" des forces de l'ordre en empêchant la diffusion d'images de policiers et gendarmes et avait provoqué une série de manifestations à la fin de l'année 2020. C'était une revendication des policiers qui détestent être filmés et qui se sentent en danger lorsqu’on les reconnaît sur les réseaux sociaux.

Mais la loi avait été votée à la fin de l’année dernière alors que deux épisodes venaient de montrer le poids des images. Le tabassage d’un producteur de musique par des policiers dans le sas d'entrée de son studio d'enregistrement et, au même moment, l’évacuation très musclée de migrants de la place de la République à Paris. 

Les Sages mettent en avant le manque de précision du texte. "Trop flou", explique le Conseil Constitutionnel, en particulier sur ce qui définit l'infraction, par exemple la notion d'intention de l'auteur du délit, ou encore la définition même d'une opération des forces de l'ordre.

Le Conseil saisi par Jean Castex lui-même

Ironie du sort, c'est le Premier ministre Jean Castex qui avait saisi le Conseil constitutionnel. Le chef du gouvernement voulait "lever le doute" sur la constitutionnalité de cette loi. Et bien le doute a effectivement été levé jeudi, mais pas dans le sens espéré par le gouvernement.

Le Conseil censure l’article 24, (qui entre temps était devenu l’article 52). Les Sages mettent en avant le manque de précision du texte. Trop flou explique le Conseil Constitutionnel, en particulier sur ce qui définit l'infraction, par exemple la notion d'intention de l'auteur du délit, ou encore la définition même d'une opération des forces de l'ordre. Bref, c’est une leçon de droit qui est donnée au gouvernement et aux députés qui ont voté ce texte.

Mais ce n'est pas le seul article censuré. Il y en a six autres qui posent problème et qui sont partiellement ou totalement retoqués. L’article 47 sur l’utilisation des drones qui prévoyait que la police puisse filmer les manifestations et conserver les images 30 jours. La loi autorisait aussi, l’usage des drones pour filmer d’en haut des points de deal de drogue ou des lieux de prostitution ou bien encore des zones de rodéo. Ce sont en fait, des pratiques existantes auxquelles le gouvernement voulait donner un cadre légal. Et bien "non", a dit le Conseil, en tout cas pas comme ça. Le texte ne donne pas assez de garanties en matière de protection de la vie privée estiment les Sages. Même un autre article important de la loi a été censuré. C’est celui qui attribuait des pouvoirs de police judiciaire aux policiers municipaux.

Coup de pression

Hasard du calendrier, certainement, cette décision intervient au lendemain de la manifestation des policiers devant l'Assemblée nationale. Les syndicats de policiers s'étaient rassemblés justement pour demander des lois plus répressives et pour être mieux protéger. Et jeudi, le Conseil constitutionnel retoque un texte qui avait été demandé par ces mêmes syndicats de policiers.

Les Sages, envoient au passage un message à ceux qui se sont livrés ces derniers temps au concours Lépine des idées les plus saugrenues juridiquement. Par exemple Xavier Bertrand, candidat à la présidence de la République qui a proposé un référendum pour modifier la constitution et empêcher que des agresseurs de policiers puissent être acquittés. Avec un tel texte, a-t-il dit, il n’y aurait pas eu d'acquittement dans l’affaire de Viry-Châtillon. Xavier Bertrand a finalement reconnu qu’aucune loi, en vérité, ne pouvait obliger un jury populaire à prononcer une condamnation.

Autre exemple mercredi, le patron du parti socialiste, Olivier Faure, a avancé mercredi l’idée que les policiers puissent avoir un droit de regard sur les jugements de ceux qui les agressent. Et être consulté sur l'exécution des peines. Au mépris de la règle de la séparation des pouvoirs. Il a lui aussi reconnu la maladresse de ses propos. À ceux-là et à d'autres le Conseil constitutionnel a rappelé jeudi qu’un État de droit à des règles… Même quand la présidentielle approche… 

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Nicolas Poincaré et Romain Cluzel (avec G.D.)