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Procès en appel du féminicide de Julie Douib : "Il a embrassé ses enfants avec le sang de leur mère"

Aux assises de la cour d'appel d'Ajaccio, le procès en appel du féminicide de Julie Douib continue. Ce jeudi, des extraits d'enregistrements des insultes et humiliations que faisait subir Bruno Garcia à Julie Douib ont été diffusés.

Journée éprouvante, ce jeudi, aux assises de la cour d’appel d’Ajaccio, pour le procès en appel du féminicide de Julie Douib. Des enregistrements des insultes et des humiliations que faisait subir Bruno Garcia à Julie Douib dans les mois qui ont précédé sa mort ont été diffusés.

"Laisse-moi s’il te plaît." La voix de Julie Douib résonne dans la salle des assises comme une plainte. Des extraits des 57 enregistrements que la jeune femme avait sauvegardés sur un fichier ont été entendus. Jordan le frère de Julie est sorti, Violette et Lucien Douib, ses parents, ont décidé de rester. C’est une plongée dans un huis clos glaçant.

On entend Bruno Garcia insulter Julie: "Arrête de faire ta mariole, arrête de faire la cake." Le ton devient menaçant: "Il y en a une, elle a fait la mariole elle a pris des gifles devant le café de la paix, j'ai pris une fille de Paris exprès pour pas avoir une truie de l'Ile rousse", dit Bruno Garcia. On comprend qu’il fait référence à Saveria, son ex-compagne qui a témoigné mardi. Dans un autre enregistrement, on entend un enfant qui joue à côté. "Je peux avoir de la colle maman", demande-t-il. Et la voix de Bruno Garcia revient méprisante: "Tu es vraiment devenue une clocharde." La petite voix s’interpose: "C'est pas vrai."

Cette 5e journée d'audience du procès en appel du féminicide de Julie Douib a été particulièrement éprouvante.
Cette 5e journée d'audience du procès en appel du féminicide de Julie Douib a été particulièrement éprouvante. © Marion Dubreuil / RMC

"Toute l'Ile rousse a peur de moi"

Sur un autre audio, Bruno Garcia menace de distribuer des gifles à ceux qui parlent avec Julie. "Quand ta tête sera tellement gonflée, tu plairas plus à personne." Julie répond en criant. "Tu cognes la mère de tes enfants, quel exemple, (…). Parce que tu es un homme et que tu es plus costaud, c'est ça l'exemple?", dit-elle. "Toute l'Ile rousse a peur de moi c'est comme ça, se vante Bruno Garcia. Alors ferme là ta bouche. Une bonne fois pour toute ferme la."

Certaines menaces sonnent comme un mauvais présage: "Ça finira pas comme il faut, la prévient Bruno Garcia. Ça fait 6 mois que je prends sur moi pour les enfants. Tu es en couple, tu n'es pas capable de rester tranquille, tu sors, tu n'es pas capable de rester tranquille, tu vas sur la plage, tu n'es pas capable de rester tranquille, on dirait une chaudasse. (…) alors barre-toi, répète Bruno Garcia. Barre-toi loin. Écoute-moi bien tu resteras pas mets-toi le dans la tête, tu ne resteras pas là."

"Maman, tu vas partir ce soir?", s’inquiète une voix d'enfant. Julie Douib lui répond en sanglotant:

"Mais non n’importe quoi bébé. Écoute-moi, maman jamais elle s’en va, jamais elle te laisse. Maman elle reste la toujours, jamais je m’en vais. Il pourra faire tout ce qu’il veut, maman elle te laissera jamais", lui répond Julie Douib en sanglotant.

Lucien Douib, le père de Julie, a le visage inondé de larmes, comme les amies de la jeune femme présentes dans la salle.  

Bruno Garcia livre encore la même version

À la fin de la diffusion des enregistrements, la présidente demande à Bruno Garcia de se lever pour l’interroger sur les faits. L’accusé livre la même version embrouillée que lundi, avec de nombreuses hésitations.

Les enregistrements ont été difficiles à entendre pour les proches de Julie Douib.
Les enregistrements ont été difficiles à entendre pour les proches de Julie Douib. © Marion Dubreuil / RMC

Il explique que ce dimanche 3 mars 2019, il se rendait au stand de tir pour récupérer sa licence, mais sur le chemin il a changé d'avis pour se rendre chez Julie Douib. "Vous arrivez sur le parking ,vous laissez votre sac de sports dans la voiture, mais vous prenez votre arme. Pourquoi ?", demande la présidente.

Bruno Garcia ne peut pas l’expliquer. Il raconte que Julie lui a ouvert la porte et qu’ils ont parlé. "Vous dites qu’elle range le linge des enfants alors qu’elle est menacée par une arme ?", s’étrangle la présidente. "Elle était figée, admet l’accusé. C'est moi qui parlais, du planning des enfants et de cette histoire de prof de sport." Bruno Garcia explique que deux jours plus tôt il a entendu les ébats sexuels de Julie Douib avec son coach sportif Sébastien.

Le premier tir est survenu dans la chambre des enfants, "un endroit sanctuaire", estime la présidente. "Quand elle est touchée, elle doit crier M. Garcia, vous n'entendez pas ses cris ?, reprend la juge. Elle a dû crier arrête, arrête, pense à tes enfants." Bruno Garcia n'en démord pas. "Je ne voyais même pas le sang." Julie Douib fuit alors sur le balcon. Une voisine voit Bruno Garcia sur elle au moment où elle entend un coup de feu.

Il ne montre aucune émotion

"Elle était encore vivante quand vous êtes parti", ajoute la présidente. Bruno Garcia n’a pas appelé les secours, il est rentré chez lui, il dit qu’il a embrassé ses enfants "alors qu’il portait le sang de leur mère", se désole Jordan Douib, le frère de la victime. Et Bruno Garcia s’est rendu à la gendarmerie. Aujourd’hui encore, il ne montre aucune émotion. Pas une larme, pas une faille dans la voix pour la mère de ses deux fils, dont il dit vouloir le retour en Corse.  

Bruno Garcia s'excuse indirectement et ne montre aucune émotion.
Bruno Garcia s'excuse indirectement et ne montre aucune émotion. © Marion Dubreuil / RMC

"Je peux comprendre la colère des parents de Julie et de son frère. Je m’en excuse, je leur demande pardon, je sais que j’ai fait un geste grave. Je suis le seul coupable", dit-il. En formulant ces excuses, Bruno Garcia ne parvient pourtant pas à les adresser directement à la famille de Julie, il ne leur a accordé aucun regard.

Marion Dubreuil (édité par AB)