Soupçons de financement libyen: quelles sont les peines requises contre les 12 prévenus?

L'ancien président français Nicolas Sarkozy quitte son procès pour financement illégal de campagne électorale en provenance de Libye pour sa campagne présidentielle victorieuse de 2007, au tribunal de Paris, le 27 mars 2025. - Alain JOCARD / AFP
Un ancien chef de l'État, trois ex-ministres de droite, des intermédiaires officieux et un ancien très proche de Kadhafi: voici les prévenus de l'affaire des soupçons de financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007 et les peines qui ont été requises contre eux jeudi.
La Sarkozie
- Nicolas Sarkozy
Le parquet national financier (PNF) a requis sept ans de prison et 300.000 euros d'amende, ainsi que cinq ans d'inéligibilité et d'interdiction d'exercer une fonction juridictionnelle (empêchant toute possibilité de siéger au Conseil constitutionnel), contre l'ancien locataire de l'Elysée, 70 ans.
Ce dernier, qui conteste avec vigueur toute infraction, est soupçonné d'avoir "noué" avec le dictateur Mouammar Kadhafi "un pacte de corruption" pour le financement de sa campagne présidentielle en 2007 et d'avoir laissé agir en "parfaite connaissance de cause" ses proches pour "obtenir des soutiens financiers des autorités libyennes".
- Claude Guéant
Le ministère public a réclamé six ans de prison, 100.000 euros d'amende contre l'ex-secrétaire général de l'Elysée, 80 ans, qui ne s'est pas présenté à la fin du procès pour des raisons de santé. Le parquet a aussi demandé la saisie de son appartement parisien.
Il est poursuivi pour avoir été un intermédiaire afin d'obtenir des fonds des Libyens, via les réseaux des affairistes Ziad Takieddine et Alexandre Djouhri, à l'occasion de rencontres avec des collaborateurs officiels de Kadhafi.
Il est aussi soupçonné d'avoir reçu, après la présidentielle, 500.000 euros d'Alexandre Djouhri, afin de rétribuer des interventions en sa faveur. Lui affirme que cet argent est issu de la vente de tableaux marins d'un peintre flamand - une "offre providentielle", a ironisé le procureur.
- Brice Hortefeux
Les procureurs financiers ont demandé trois ans de prison, 150.000 euros d'amende et cinq ans d'inéligibilité contre l'ancien ministre de l'Intérieur, 66 ans. Il est soupçonné d'avoir agi comme intermédiaire du financement à travers le réseau de Ziad Takieddine, et d'avoir organisé des transferts de fonds publics via des comptes offshore.
- Eric Woerth
Contre Eric Woerth, 68 ans, l'accusation a requis un an de prison, aménagé d'office et 3.750 euros d'amende. Celui qui a été ministre du Travail et du Budget sous Sarkozy fut le trésorier de la campagne de 2007. Il a justifié la circulation d'argent liquide au sein de l'équipe de Nicolas Sarkozy par des dons anonymes reçus par courrier - des "explications très étonnantes" pour l'accusation.
- Thierry Gaubert
Le PNF a réclamé trois ans de prison, 150.000 euros d'amende et cinq ans d'inéligibilité contre cet ex-collaborateur de Nicolas Sarkozy, 73 ans. Il a été condamné en appel, comme Ziad Takieddine, dans l'affaire Karachi début 2025, mais après un revirement puisque la justice a abandonné l'hypothèse d'un financement illégal de la campagne Balladur dans ce dossier.
Dans l'affaire libyenne, Thierry Gaubert est soupçonné d'avoir reçu de l'intermédiaire franco-libanais 440.000 euros qui auraient pu alimenter la campagne grâce à des retraits en liquide en 2006 et 2007.
Les intermédiaires officieux -
- Ziad Takieddine
L'intermédiaire franco-libanais de 74 ans est depuis 2012 l'accusateur principal dans ce dossier, aux versions évolutives. En fuite au Liban, il n'a pas comparu. Le PNF a requis contre lui six ans de prison, une amende de trois millions d'euros et le maintien des effets du mandat d'arrêt dont il fait l'objet. Il a affirmé avoir remis entre fin 2006 et début 2007 cinq millions d'euros à Claude Guéant, alors directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy.
Son réseau de corruption supposé aurait principalement reposé, côté libyen, sur Abdallah Senoussi, chef des renseignements militaires et beau-frère de Mouammar Kadhafi. Ziad Takieddine a temporairement retiré son témoignage fin 2020, ce qui fait toujours l'objet d'une enquête distincte.
- Alexandre Djouhri
L'accusation a requis cinq ans de prison et quatre millions d'euros d'amende contre l'homme d'affaires franco-algérien de 66 ans, ainsi qu'une interdiction de gérer pendant cinq ans. Il est suspecté d'être au coeur de l'autre réseau de corruption allégué dans ce dossier, via l'argentier du régime libyen, Bechir Saleh, dont il aurait organisé l'exfiltration en catastrophe en 2012 afin de le faire taire.
Ce réseau aurait acquis, après la présidentielle, une villa à Mougins à un prix surévalué afin de dissimuler un détournement de fonds publics libyens. Alexandre Djouhri est soupçonné d'avoir collaboré dans ces manoeuvres avec le banquier Wahib Nacer ainsi qu'avec deux hommes d'affaires saoudiens, les cousins Ahmed Salem Bugshan et Ali Khalid Bugshan, tous les trois prévenus.
Un ancien vice-président exécutif d'Airbus, Edouard Ullmo, est jugé pour avoir fait payer des commissions à Djouhri en marge de la vente de 12 avions à la compagnie libyenne Afriqiyah Airways.
Contre ces quatre hommes, le parquet financier a demandé des peines de quatre ans de prison et un million d'euros d'amende contre Wahib Nacer ; trois ans de prison dont un avec sursis et quatre millions d'euros d'amende contre Ali Khalid Bugshan ; trois ans de prison dont deux avec sursis et 375.000 euros d'amende contre Edouard Ullmo et enfin deux ans ans de prison dont un avec sursis et quatre millions d'euros d'amende contre Ahmed Salem Bugshan.
L'ex-bras droit de Kadhafi -
- Bechir Saleh
Celui qui était alors directeur de cabinet de Mouammar Kadhafi, 78 ans aujourd'hui, est en fuite. Le ministère public a réclamé contre lui six ans de prison et quatre millions d'euros d'amende, ainsi que la confirmation du mandat d'arrêt le visant. Il a subi une agression en 2017 en Afrique du Sud, où il se trouvait, avant de partir pour Dubaï, aux Emirats arabes unis.