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Police-Justice

Soupçons de soumission chimique: procès requis contre le sénateur Joël Guerriau

Le sénateur Joël Guerriau, ici à Paris le 6 novembre 2024.

Le sénateur Joël Guerriau, ici à Paris le 6 novembre 2024. - GEOFFROY VAN DER HASSELT

Le parquet de Paris a requis lundi un procès contre le sénateur Joël Guerriau, soupçonné d'avoir administré à son insu de la drogue à la députée Sandrine Josso afin de l'agresser sexuellement.

Soupçons de soumission chimique jusque dans les hautes sphères du monde politique: le parquet de Paris a requis lundi un procès contre le sénateur Joël Guerriau, soupçonné d'avoir en novembre 2023 drogué la députée Sandrine Josso afin de commettre une agression sexuelle.

Le parquet a requis un procès devant le tribunal correctionnel pour ces faits, qui remontent à la mi-novembre 2023. Le sénateur centriste est soupçonné d'avoir dilué de la MDMA à 91,1% pure dans un verre de champagne, a appris l'AFP de source proche du dossier. Il a par contre requis un non-lieu concernant la consommation de stupéfiants par le sénateur.

La soumission chimique consiste en l'administration de substances psychoactives à une personne, à son insu, à des fins notamment d'agression et de viol. Contacté, le sénateur, aujourd'hui âgé de 67 ans, n'a pas répondu dans l'immédiat à l'AFP. Sa défense non plus.

Le 14 novembre, Sandrine Josso, députée MoDem de Loire-Atlantique aujourd'hui âgée de 49 ans, s'était rendue au domicile parisien de son "ami politique" - comme elle l'a décrit au cours de l'enquête devant les magistrats - qui célébrait sa réélection.

Seule invitée, elle en était ressortie avec 388 ng/ml d'ecstasy dans le sang, d'après les analyses toxicologiques dont l'AFP a eu connaissance. Une dose "approchant le double" de la quantité dite récréative, souligne le ministère public dans ses réquisitions dont l'AFP a eu connaissance. Ces analyses montraient aussi une absence de stupéfiants pendant les sept mois qui ont précédé cette soirée. Comment Sandrine Josso s'est-elle retrouvée, ce soir-là, avec autant d'ecstasy dans le sang?

"À dessein"

Dans ce dossier, l'absorption de drogue et ses effets délétères sur Sandrine Josso, qui souffre un an après d'un stress post-traumatique, ne semblent pas discutés. Tout l'enjeu repose sur l'intention. Joël Guerriau a constamment nié avoir agi volontairement, avançant notamment une "erreur de manipulation" des coupes de champagne. Mais pour le parquet, le produit stupéfiant a été placé dans le verre "à dessein".

Le ministère public souligne les déclarations "évolutives" du sénateur, et "pas cohérentes" pour "finalement expliquer s'être souvenu de la présence de la substance une fois celle-ci ingérée" par Sandrine Josso, "il n'alertera pas pour autant" la députée.

Et ce, alors qu'il est "acquis que Joël Guerriau était informé sur les effets et le but de la substance administrée", estime le parquet, qui cite "de nombreuses recherches en lien avec la drogue et le viol" faites en ligne par M. Guerriau, "un peu plus d'un mois avant les faits", puis "le lendemain".

Depuis sa mise en examen, le parlementaire, placé sous contrôle judiciaire, n'était plus apparu dans l'hémicycle et avait été suspendu de son parti Horizons et de son groupe parlementaire Les Indépendants-République et Territoires.

Il avait en revanche exclu de démissionner, estimant en septembre 2024 "totalement injuste" de quitter ses fonctions alors que la justice n'avait pas encore "tranché". De son côté, Sandrine Josso a été officiellement chargée d'une mission sur la soumission chimique, mission qui devrait remettre son rapport en mai.

Au cours des investigations, elle avait relaté aux magistrats avoir été incitée à "boire vite" par Joël Guerriau, qui adoptait un "comportement bizarre", éteignant et rallumant plusieurs fois la lumière, d'après des éléments dont l'AFP a eu connaissance. M. Guerriau avait expliqué, en garde à vue, avoir réalisé un "tour de magie".

Prise de "sortes de décharges" dans le coeur, Sandrine Josso avait aussi dit avoir vu M. Guerriau "debout dans la cuisine" avec "un sachet blanc dans la main". "Terrorisée", elle avait commandé un taxi, sans qu'il n'y ait eu de contact physique avec son hôte.

Lundi, son avocat, Me Arnaud Godefroy, a salué auprès de l'AFP un réquisitoire qui "n'a rien d'étonnant au vue du dossier d'instruction particulièrement accablant pour le mis en examen". "De toute évidence le parquet s'est estimé largement convaincu, cela confirme le sentiment qui est le nôtre depuis le début de cette instruction. Il nous reste désormais à attendre l'ordonnance du juge d'instruction", a-t-il poursuivi.

C.A avec AFP