Viol à Courbevoie : le débat sur l'excuse de minorité relancé

L'affaire a provoqué l'indignation et de nombreux questionnements. Le samedi 16 juin, une jeune fille de 12 ans a subi un viol au caractère antisémite, samedi, à Courbevoie. Trois adolescents de 12 et 13 ans ont été interpellés et présentés à un juge d'instruction.
Deux d'entre eux ont été mis en examen et incarcérés pour "agression sexuelle en réunion, tentative d'extorsion, violences commises en réunion, sur mineur de 15 ans et à raison de la religion, atteinte à l'intimité de la vie privée par fixation, enregistrement ou transmission de l'image d'une personne présentant un caractère sexuel, menace de mort réitérée et injure à raison de la religion", a déclaré le parquet de Nanterre.
Le troisième a été placé sous le statut de témoin assisté et mis en examen pour d'autres infractions dans le cadre de cette affaire. Il fait l'objet d'une mesure d'éducation provisoire et placé dans un foyer de la protection judiciaire de la jeunesse.
Comment sont jugés les mineurs en France ?
Pour les mineurs, la justice prévoit des dispositions précises. L'un des adolescents, âgé de 12 ans, possède un profil différent de ses camarades, tous deux âgés de 13 ans.
Depuis une réforme de la justice pénale des mineurs entrée en vigueur en 2021, qui concerne les individus de moins de 13 ans, la loi considère qu'un enfant ne mesure par les conséquences de ses actes. Avec ce principe de la "présomption de non-discernement", ou "l'excuse de minorité", aucune peine de prison ne leur est imposée.
Pour les adolescents de 13 à 18 ans, la condamnation à une peine de prison reste l'exception et n'intervient que dans certains faits graves. La durée de détention est en général réduite de moitié par rapport à un adulte.
L'enjeu du discernement
Face à l'atrocité des faits, le débat sur la justice des mineurs est remise sur la table. Pour Mohamed, éducateur spécialisé depuis 38 ans, "il faut que la justice pénale soit la même pour les enfants de 13 ans qui commettent ce type d'acte de barbarerie", affirme-t-il dans Estelle Midi.
Pour rappel, environ 600 jeunes de 13 à 18 ans étaient incarcérés en France début 2023, indique le ministère de la Justice. L'éducateur affirme que "7% des mineurs qui ont commis des agressions sexuelles et des viols" ont été condamnés à des peines d'emprisonnement. Il remarque une hausse de la violence dans cette partie de la population "au fil des décennies".
En de telles circonstances, la justice doit-elle s'adapter et revenir sur la façon avec laquelle elle traite les affaires impliquant des mineurs ?
Delphine Meillet, avocate pénaliste au barreau de Paris, estime d'abord qu'il n'est pas utile de procéder à des changements, notamment la baisse du seuil de la justice pénale sous 13 ans.
"Il existe aujourd'hui des cas où des enfants de 10 et 11 ans ont été mis en examen dans des affaires", raconte-t-elle. L'avocate cite un cas de harcèlement scolaire à la suite duquel une jeune fille de 12 ans s'est suicidée. Des enfants de 10 et 11 ans avaient été mis en examen.
"Cela veut dire que, dans certaines situations, un magistrat peut estimer que des enfants de cet âge avaient suffisemment de discernement pour faire ce qu'ils ont fait en toute conscience", ajoute-t-elle.
Gabriel Attal a entrouvert la porte
Dans le cas de l'enfant de 12 ans, qui a filmé la scène du viol à Courbevoie, "un magistrat pourrait estimer qu'il est tout à fait en conscience quand il commet ses actes", explique Delpine Meillet. L'avocate revient sur certains points de l'affaire, notamment le caractère antisémite, qui implique "une certaine conscience de ce qu'on est en train de faire", et la captation de l'image, qui tire vers la même conclusion. Son âge ne pourrait donc pas être un obstacle.
Alors que la droite et l'extrême droite réclament la non-automacité de l'excuse de minorité, Gabriel Attal avait entrouvert la porte, en avril dernier à Viry-Châtillon, à une atténuation de ce principe après plusieurs faits divers impliquant des mineurs.