Visite du pape François en Corse: pourquoi un collectif anti-mafia lui demande de l’aide

A une dizaine de jours de la visite du pape en Corse, un collectif lui demande de condamner la mafia sur l’Île de Beauté. "Notre île est sous emprise" disent ces Corses dans une lettre ouverte à François. Ils lui demandent un symbole, mais en matière de déplacements du pape, les symboles pèsent. C’est-à-dire de "répéter, sur la terre de Corse, les mots sans concession" qu'il a employés par le passé "contre la lèpre mafieuse". L’appel est signé d’un certain Vincent Carlotti, président du collectif "A maffia no / A vita ié", ce qui veut dire "Non à la mafia, oui à la vie".
Qui sont ces Corses qui interpellent le pape et l’Eglise catholique? C’est une émanation de la société civile. Des gens, des Corses, qui, il faut bien le dire, ont parfois perdu confiance en la police, la justice ou même les médias. Des profils variés rassemblés sur l’idée que la réalité mafieuse en Corse est niée jusqu’à présent. Parmi eux, Léo Battesti, ancien membre du FLNC, dont il est un fondateur. Un indépendantiste sorti de la clandestinité. Il a publié un livre qui raconte ce combat citoyen contre la mafia. "Il nous faut proscrire le culte de l’arme et la fascination pour la cagoule ou pour les bandits (…) et lutter contre le régime de la peur", écrit-il.
Aujourd’hui, l’Etat reconnaît l’existence d’un phénomène mafieux en Corse, peu à peu, même si son influence est vraisemblablement en place depuis les années 1980. Petit à petit, les responsables politiques et l’autorité publique parlent de mafia. Nicolas Bessonne, procureur de Marseille, utilisait le mot en février dernier: "Il y a une mafia en Corse, il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt". Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur, le lendemain: "Oui, il existe des mafias en Corse, concentrées autour de la drogue".
On ne dit plus "crime organisé", pudiquement. Mais bien mafia, avec ce que cela convoque dans l’imaginaire, mais aussi avec ce que cela définit comme nature d’une organisation criminelle.
Le pape François a déjà condamné Cosa Nostra, la ‘Ndrangheta et la Camorra
Mais alors pourquoi ce collectif antimafia s’adresse-t-il au pape? Parce que c’est un allié, indéniablement. Depuis qu’il occupe le Saint-Siège, François n’a jamais rechigné à condamner la mafia. En Italie surtout, d’abord, bien sûr. Il promet l’enfer aux mafieux en 2014, au sens propre: "Convertissez-vous ou vous finirez en enfer". Il reprend alors une expression que Jean-Paul II avait adressée aux parrains de Cosa Nostra, la mafia sicilienne. Deux mois plus tard, il se rend sur les terres de la ‘Ndrangheta, la mafia calabraise: "Ils ne sont pas en communion avec Dieu: ils sont excommuniés". Pas sûr qu’il existe pire pour un chrétien de son vivant: l’exclusion de la communauté chrétienne. Il continuera en s’affichant en pleine rue chez la Camorra, cette fois, dans le quartier napolitain de Scampia, rendu célèbre par la série Gomorra.
Le pape est en guerre ouverte contre la mafia. Ce n’est pas qu’un clash, c’est bien une guerre contre la mafia et ses infiltrations au sein même du Vatican. Car la Banque du Vatican est accusée de servir de lessiveuse, de blanchir l’argent sale de la mafia. Les liens entre mafia et Vatican datent d’un siècle au moins et ce combat du pape pourrait même le mettre en danger. Un procureur anti mafia italien alertait même en 2013: "Il gêne la mafia. Si les parrains en ont le pouvoir, ils tenteront de l'arrêter".
Mais rien ne semble arrêter François depuis. Alors pourquoi pas? Après les mafias siciliennes, calabraises et napolitaines, pourquoi pas la mafia corse? C’est ce qu’attendent les membres du collectif "A maffia no", qui appellent aussi l’Eglise de Corse à rejoindre le combat.