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Conseil constitutionnel, mode d'emploi: quelle origine, quel rôle, quels membres?

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Le Conseil constitutionnel doit rendre ses décisions sur la réforme des retraites ce vendredi 14 avril en fin de journée. Quel est son rôle exact? Qui sont ses membres? Petit mode d'emploi sur le fonctionnement de la rue de Montpensier.

C'est le jour-J pour le Conseil constitutionnel. L'institution doit rendre, ce vendredi en fin de journée, deux décisions sur la réforme des retraites: l'une concernant la réforme en elle-même, après la saisine de parlementaires et de la Première ministre Elisabeth Borne, et l'autre concernant le référendum d'initiative partagée (RIP) proposé par des parlementaires de gauche. De quoi mettre un sérieux coup de projecteur sur les neuf membres du Conseil, situé rue de Montpensier à Paris, à proximité du Palais-Royal et du Musée du Louvre.

Un juge aux pouvoirs qui se sont élargis

Le Conseil constitutionnel a été créé par l'adoption de la Constitution de la Ve République, le 4 octobre 1958, mais n'a été "installé" que le 5 mars 1959. Innovation sans précédent dans l'histoire constitutionnelle française, elle doit initialement contenir le rôle du Parlement dans le domaine législatif.

Mais progressivement, à partir d'une décision prise en 1971, qui censure une loi car dérogeant aux principes fondamentaux de la République, le rôle du Conseil constitutionnel va s'élargir à la conformité de la loi aux grands principes définis dans le Constitution. Le Conseil est également garant de la régularité des élections, des référendums et le président du Conseil constitutionnel est aussi la personne qui proclame officiellement le résultat de l'élection présidentielle.

Deux réformes constitutionnelles, en 1974 puis en 2008, vont élargir ses pouvoirs. Sous Valéry Giscard d'Estaing, le Conseil constitutionnel peut désormais être saisi par 60 parlementaires sur la validité d'un texte. Jusqu'alors, ce droit était réservé au président de la République et aux présidents des deux chambres parlementaires.

Sous Nicolas Sarkozy, c'est le citoyen qui peut saisir le Conseil, à travers le filtre du Conseil d'État et de la Cour de cassation, sur une loi existante que le juge constitutionnel n'a jamais étudié avec la Question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Le Conseil devient aussi garant de la recevabilité des demandes de référendum d'initiative partagée (RIP).

Neuf membres, principalement des politiques

Le Conseil constitutionnel est constitué de neuf membres nommés pour neuf ans: trois par le président de la République, trois par le président de l'Assemblée nationale et trois par le président du Sénat. Ainsi, le président actuel du Conseil, Laurent Fabius, a été nommé en 2016 par François Hollande, tout comme l'ancienne secrétaire générale de l'Assemblée nationale Corinne Luquiens, nommée par le président de l'Assemblée nationale de l'époque, Claude Bartolone.

Outre Laurent Fabius, parmi les membres du Conseil constitutionnel connus, on retrouve l'ancien Premier ministre Alain Juppé, les anciens ministres d'Emmanuel Macron Jacques Mézard et Jacqueline Gourault ou l'ancien sénateur du Cher rattaché à LR François Pillet. La composition du Conseil est principalement faite de politiques ou de hauts fonctionnaires et non de spécialistes du droit constitutionnel. Seul Véronique Malbec, ancienne directrice de l'École nationale de la magistrature et procureure générale de la Cour d'appel de Versailles, a un profil juridique pur, même si elle a été directrice de cabinet d'Eric Dupond-Moretti jusqu'à sa nomination.

Les deux anciens présidents de la République en exercice, François Hollande et Nicolas Sarkozy, sont membres de droit du Conseil constitutionnel à vie mais ont choisi de ne pas siéger, contrairement à leurs prédécesseurs, Valéry Giscard d'Estaing et Jacques Chirac.

Comment travaille le Conseil constitutionnel?

Le Conseil constitutionnel étudie chaque texte dans sa globalité et dans le détail, article par article, mesure par mesure. Il peut ainsi censurer totalement ou partiellement un texte. Il regarde le type de loi utilisée (le véhicule législatif) ou les procédures mises en place pendant le débat.

Sur le texte de la réforme des retraites, l'utilisation d'une procédure d'urgence via un projet de loi de finances de la sécurité sociale rectificatif (PLFSSR), l'article 47-1 de la Constitution, l'utilisation des articles 44-2 (suppression des sous-amendements de la gauche au Sénat), 44-3 (vote bloqué) et 49-3 (adoption sans vote avec engagement de la responsabilité du gouvernement) pendant les débats, seront ainsi scrutés. De même, le contenu de la réforme sera regardé pour savoir s'il est adéquat avec un PLFSSR. Le président du Conseil constitutionnel Laurent Fabius avait notamment prévenu, en janvier dernier, que "tout ce qui est hors champ financier peut être considéré comme un cavalier budgétaire", et pourrait donc être censuré.

En moyenne, le Conseil censure partiellement ou totalement un texte sur huit. En 2012, il avait par exemple totalement censuré la loi sur le logement social portée par la ministre du Logement Cécile Duflot parce que les procédures de discussion et d'adoption au Sénat n'avaient pas été bien respectées. En 2009, la loi Hadopi avait été partiellement censurée, interdisant à la Haute autorité créée par la loi de couper l'accès à internet. De même, en 2020, le Conseil constitutionnel avait censuré des mesures sur l'isolement des malades et le traçage de leurs contacts pendant la pandémie de Covid-19. Enfin, en 2021, l'article de la loi Sécurité globale sur l'interdiction de filmer des policiers et des gendarmes lors de heurts avait été censuré.

https://twitter.com/mmartinezrmc Maxime Martinez Journaliste RMC