Décision du Conseil constitutionnel sur les retraites: qu'est-ce qui pourrait être retoqué?

Le Conseil constitutionnel va sans doute rendre ce vendredi sa décision la plus scrutée de l'histoire de la Ve République. Le conseil des "Sages", créé en 1958, se prononcera sur la conformité ou non de la très controversée réforme des retraites, adoptée par le Parlement le 20 mars via l'article 49.3 après le rejet des motions de censure. Plusieurs points de la réforme sont sujets à discussion et la décision finale des neuf membres du Conseil ne sera rendue qu'en fin d'après-midi, ce vendredi.
- Sur la forme, est-il possible de passer par un projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) rectificatif?
Le gouvernement a surpris en utilisant cette méthode pour évoquer au Parlement sa réforme des retraites. Contrairement à la voie classique d'adoption des textes de loi, c'est une procédure accélérée qui permet traditionnellement d'adopter rapidement des rectifications au budget de la Sécurité sociale avant le 31 décembre pour l'année suivante. Les modifications de budget (habituellement votés en novembre) ont ainsi, en général, lieu avant le 1er janvier.
Si les spécialistes du droit constitutionnel s'accordent à dire que le sujet des retraites entre dans ce cadre, cette voie a-t-elle été utilisée pour "détourner" la procédure traditionnelle et utiliser ces outils pour accélérer les débats? Si cela semble probable, encore faut-il le prouver de manière légale.
Les "Sages" vont ainsi regarder si la réforme des retraites avait un véritable caractère d'urgence. Si la réponse est négative, la réforme des retraites pourrait-elle ainsi être censurée en entier? C'est une hypothèse jugée peu probable qui serait un véritable camouflet pour l'exécutif.
- Toujours sur la forme: l'application de l'article 47.1 était-elle possible?
Si passer par un PLFSS rectificatif pose question, il a également engendré l'activation de l'article 47.1 de la Constitution. Cet article permet à l'exécutif de limiter les débats au Parlement à 50 jours dans le cadre d'un projet de loi de financement de la Sécurité sociale. L'Assemblée a donc seulement eu 20 jours pour se prononcer. Des délais utilisables pour un projet rectificatif? L'accumulation des procédures accélérées, comme l'utilisation d'un vote bloqué au Sénat, pose également question même si elle trouve son origine dans des dispositifs légaux.
- Sur le fond, quelles dispositions pourraient-elles être recalées?
Dans l'hypothèse où l'utilisation sur la forme d'un PLFSS est validée par le Conseil constitutionnel, seules les mesures qui ont un rapport avec le budget devraient pouvoir être jugées conformes par le Conseil constitutionnel. D'autres pourraient donc être censurées, comme par exemple l'index sur l'emploi des seniors, qui n'est pas une mesure liée aux recettes et de dépenses de l'Etat.
Selon Le Parisien, le gouvernement s'attend déjà à ce que certaines mesures soient retoquées, et a trouvé une porte dérobée pour les réintégrer dans le futur: l'index seniors pourrait ainsi ré-évoqué dans le cadre de la loi Travail, chantier à venir pour l'exécutif.
Le rejet de mesures de ce type est attendu, et inquiète moins le gouvernement qu'une censure sur le coeur de la réforme: le recul de l'âge légal de la retraite de 62 à 64 ans, à la source de la colère des opposants à la réforme.
- La question du RIP en suspens
Même si l'essentiel du texte est validé par les "Sages", la gauche a beaucoup d'espoirs que le Conseil constitutionnel donne le feu vert à sa demande de référendum d'initiative partagée (RIP).
Cette procédure pourrait ouvrir la voie à un référendum sur une proposition de loi visant à ce que l'âge de départ à la retraite ne puisse pas dépasser 62 ans. La route resterait encore longue et incertaine vers un référendum, mais elle donnerait un nouveau point d'appui à la contestation.
Les neuf membres du Conseil constitutionnel :
-Laurent Fabius, président, ancien Premier ministre
-Corinne Luquiens, haute-fonctionnaire
-Michel Pinault, haut-fonctionnaire
-Alain Juppé, ancien Premier ministre
-Jacques Mézard, avocat et ancien ministre
-Jacqueline Gourault, ancienne ministre
-Véronique Malbec, magistrate
-François Pillet, avocat, ancien sénateur
-François Seners, haut-fonctionnaire