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Dissolution des Soulèvements de la Terre: un bras de fer entre l’Elysée et Matignon en coulisses

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Dans "Apolline Matin" ce vendredi sur RMC et RMC Story, Laurent Neumann revient sur la difficile dissolution des Soulèvements de la Terre, promise il y a deux mois mais toujours pas effective.

Le collectif écologiste Les Soulèvements de la Terre appelle à une nouvelle manifestation ce samedi pour s’opposer au gigantesque chantier ferroviaire Lyon-Turin. Après les événements violents de Sainte-Soline, Gérald Darmanin avait pourtant promis de dissoudre ce collectif. Sauf que ce n’est pas aussi simple à faire qu’à dire. Après les affrontements de Sainte-Soline le 25 mars dernier (les fameuses super-bassines), le ministre de l’Intérieur avait lancé trois jours plus tard, le 28 mars, une procédure administrative contre Les Soulèvements de la Terre pour obtenir la dissolution de ce mouvement. Avec promesse que cette dissolution ferait l’objet d’un décret en Conseil des ministres le 19 avril. Sauf qu’on est le 16 juin, et rien ne s’est passé… Pire, Les Soulèvements de la Terre prévoient en effet un rassemblement ce week-end contre le TGV Lyon-Turin où l’on n’attend pas moins de 4.000 militants écolos dont, dit le renseignement intérieur, 400 à 500 éléments radicaux.

Pourquoi ça traîne ? Tout simplement parce que Les Soulèvements de la Terre n’est pas une association mais un collectif. C’est un réseau, un mouvement, sans chef, sans statut. Donc sans existence légale. Une organisation qui regroupe de façon informelle plus d’une centaine d’associations (Attac France, Youth for Climate, Les Amis de la Terre, Extinction Rébellion, La Confédération paysanne…). Or, dissoudre par décret en Conseil des ministres un mouvement de ce type risque juridiquement d’être retoqué par le Conseil d’Etat. Comment voulez-vous dissoudre une association qui, légalement, n’existe pas ? Du coup, les juristes du gouvernement planchent depuis des semaines pour trouver la faille.

Sauf qu’Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, a parlé mercredi d’un décret qui pourrait être présenté dès le 21 ou 28 juin en Conseil des ministres. En fait, en coulisses, se joue un véritable vrai bras de fer politique. D’un côté, Matignon qui est au frein à main à cause des risques juridiques. De l’autre, le président de la République qui pousse pour que ça aille vite. Mercredi, Emmanuel Macron a carrément mis un coup de pression à Elisabeth Borne pour que la dissolution soit présentée en Conseil des ministres dès la semaine prochaine. Plusieurs ministres poussent en ce sens: Gérald Darmanin, on l’a dit, mais aussi Sonia Backès, la secrétaire d’Etat chargée de la Citoyenneté, et Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture, très en colère après les événements de Nantes où des militants sont allés arracher des plans de salades et de muguet chez des exploitants privés.

Des dispositions de la loi sur le séparatisme à l'étude

Le ton a commencé à changer côté Matignon. Si les Soulèvements de la Terre ne peuvent pas être dissous en tant qu’association, ils peuvent l’être en tant que "groupement de fait". C’est ce qui s’est passé avec Les Zouaves Paris ou avec le GALE (le Goupe Antifasciste Lyon et Environs). Par ailleurs, les services juridiques de Beauvau regardent de près les nouvelles dispositions de la loi sur le séparatisme de 2021. Une loi a priori conçue pour lutter contre l’islamisme radical et le jihadisme, mais qui pourrait fonctionner pour d’autres situations. Gérald Darmanin parle d’ailleurs depuis des semaines, à propos de ces manifestions écolo-radicales, "d’éco-sabotage", "d’éco-terrorisme", voire même "d’éco-séparatisme".

En attendant, les Soulèvements de la Terre prépare activement la manifestation de demain, "une mobilisation internationale et populaire pour la défense de l’eau et de la montagne". Les élus de la vallée de la Maurienne qui soutiennent ce projet craignent l’installation d’une ZAD. Sur les réseaux sociaux, différents appels invitent en effet à la désobéissance civile et à s’inspirer de Notre-Dame-des-Landes et de Sainte Soline, à occuper les gares, à suivre des convois de fret et même à établir des campements sur le tracé du TGV Lyon-Turin. Une manifestation d’ailleurs maintenue malgré le décret d’interdiction de la Préfecture de Savoie. Voilà sans doute pourquoi Emmanuel Macron, lui-même sous pression du gouvernement italien qui le presse d’agir, considère qu’il y a urgence à envoyer un signal politique.

Laurent Neumann