Dissolution, stratégie, mesures… Ce qu'il faut retenir de la conférence de presse d'Emmanuel Macron

Durant près d'une heure et demie, le président de la République s'est exprimé lors d'une conférence de presse, commencée par un long propos liminaire avant de répondre aux questions des journalistes et tenue à Paris, ce mercredi 12 juin 2024. À 18 jours des législatives anticipées, il a dévoilé son plan de bataille afin de tenter d’arracher une "majorité claire" pour le reste du quinquennat et contrecarrer les plans des oppositions. Du RN et de son alliance avec une (petite) partie de LR du côté de la droite, et du "nouveau Front populaire" rassemblant de nombreux partis et des organisations de gauche (PS, LFI, Les Ecologistes, PCF, NPA...).
En préambule, Emmanuel Macron a rendu hommage à ses "gouvernements successifs et aux parlementaires", en évoquant la majorité relative à l'Assemblée depuis 2022. En 7 ans, "beaucoup de choses ont été faites, des décisions prises utiles au pays", mais cette situation a rendu "l'action moins lisible" et n'a pas permis de "bâtir des coalitions durables".
La situation "imposait une dissolution"
Il a pointé du doigt "l'attitude de certains députés LFI, qui a créé un désordre parfois constant" à l'Assemblée nationale, "l'équation parlementaire difficilement tenable" et la situation qui "devenait dangereuse pour la France". Puis, "le vote aux élections européennes a été clair". Pour lui, "la conclusion est d'abord sur l'Europe" mais le score de l'extrême droite est un "fait politique qu'on ne saurait ignorer". Les Français ont aussi "exprimé leurs inquiétudes sur les questions de société, immigration, pouvoir d'achat". Impossible donc, selon le président, de rester "indifférent ou sourd".
Emmanuel Macron a assuré que les résultats et la conjecture politique ne pouvaient être suivis d'un changement de gouvernement. Cela "imposait une dissolution" de l'Assemblée nationale, actée dimanche soir. "Elle permet, seule, la clarification des choses", a-t-il assuré. "Un moment historique pour notre pays", et "aussi une épreuve de vérité entre ceux qui choisissent de faire prospérer leur boutique et ceux qui veulent faire prospérer la France", a décrit le président. "Le retour au peuple souverain est, à mes yeux, dans ce contexte", la seule solution "républicaine".
"Deux Français sur trois veulent cette dissolution", selon Emmanuel Macron, qui s'appuie sur les sondages, tandis que "l'écrasante majorité du système politique ne l'aime pas et préfère l'ambiguïté". "Le retour au peuple est un principe démocratique (...) je l'assume totalement."
Sans dissolution, les médias et les citoyens l'auraient accusé d'être "déconnecté", s'est-il encore justifié. Il aurait été "irresponsable", de "se dire, 'il y a une colère qui a été exprimée mais on va faire comme si de rien n'était'", selon lui. Mais Emmanuel Macron a réfuté vouloir "donner les clés" à l'extrême droite en 2027. "Vous êtes des drôles, à penser que ce serait forcément les extrêmes" qui vont gagner, a-t-il jugé.
Des "masques tombent" et des "alliances contre-nature"
"Depuis dimanche soir, les masques tombent et la bataille des valeurs éclate au grand jour", a estimé Emmanuel Macron, critiquant des alliances "contre-nature aux deux extrêmes".
"La droite républicaine, du moins celui qui l'a en charge, vient de faire pour la première fois alliance avec l'extrême droite", a-t-il déploré, ajoutant qu'Eric "Ciotti tourne ainsi le dos en quelques heures à l’héritage du général de Gaulle, de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy". Il a dénoncé un "pacte du diable".
Et la gauche s'est alliée avec l'extrême gauche, "qui s’est rendue coupable d’antiparlementarisme", selon le président. Il a estimé que le "Front populaire" en cours de constitution "n'est même pas baroque" mais "indécent", disant avoir "une pensée pour Léon Blum (...) qui doit se retourner dans sa tombe (...) en pensant qu'on a appelé 'Front populaire' une alliance électorale qui permettra de donner (des circonscriptions) à des gens qui ont assumé très clairement de ne pas condamner l'antisémitisme." "Le front populaire, ça a un sens dans notre histoire, un rôle, une dignité", a ajouté le chef de l'Etat.
Un "bloc central" en troisième voie
A contrario, Emmanuel Macron a vanté le "bloc central progressiste, démocratique et républicain" qui "unit des familles politiques qui ont chacune leur identité et ont appris à travailler ensemble". Critiquant des "alliances de bricolage" à gauche et à droite, il a posé la majorité de gouvernement comme troisième voie. "Nous n'avons tout pas bien fait", a-t-il concédé, "mais nous avons des résultats".
"Nous saurons agir" pour "aller vers le plein emploi, la réindustralisation, renforcer les services publics, accélérer la transition énergétique, garantir l'unité du pays contre les forces de haine, rejeter la brutalisation du débat public, aider l'Ukraine, batir l'Europe", a-t-il listé.
Le président veut élargir le bloc central et que "ses dirigeants puissent aller dialoguer avec des forces et des personnalités qui n'en sont pas membres aujourd'hui". Il veut le rassemblement de ceux qui "auront su dire non aux extrêmes" pour "bâtir un projet en commun, sincère et utile au pays", "avant ou après" les législatives.
"Avoir un dialogue exigeant, constructif et ouvert" et "réflechir à la meilleure manière de servir la France ensemble", a prôné le président. "Je dis rassembler et non rallier car je sais les désacords qui existent sur tel ou tel sujet avec l'ensemble de ces formations politiques."
"Je suis convaincu que des sociaux-démocrates, radicaux, écologistes, démocrates chrétiens, des gaullistes, et plus largement des compatriotes et responsables politiques qui ne se reconnaissent pas dans la fièvre extrêmiste, qui se retrouvent autour de quelques axes clair que porte la majorité actuelle, peuvent travailler avec ces dirigeants et bâtir un projet nouveau, une fédération de projets pour gouverner", a dessiné Emmanuel Macron.
Le président appelle à une "refondation de la vie politique actuelle", pour "co-construire", tendant la main dans une logique "d'ouverture".
De "l'autorité républicaine"
Emmanuel Macron a dit vouloir "agir pour plus de sécurité, plus de fermeté, mais dans le cadre de la République et de ses valeurs". Le chef de l'État a promis globalement une "autorité républicaine à tous les étages" dans le respect de ces dernières.
"Plus de fermeté, mais dans la République et par la République", a résumé le chef de l'État.
Emmanuel Macron a opposé trois visions. Il a dénoncé "l'extrême gauche" qui veut une "réponse par le communautarisme et le laxisme et une fragmentation de la République". Mais aussi "l'extrême droite" qui veut une "réponse à l'insécurité par la sortie de la République et de ses valeurs", et qui prône selon lui "l'exclusion" en disant "vous êtes un vrai Français, vous n'en êtes pas". Face à cela, le président prône un "universalisme républicain, exigeant et effectif".
"Un grand débat sur la laïcité"
"Jamais une religion ne doit sortir des lois de la République", a rappelé le chef de l'Etat. Il a promis d'ouvrir "un grand débat" menant à "des mesures claires" sur la thématique de la laïcité.
"Nous devons, comme le président Chirac l'avait fait d'ailleurs il y a 20 ans de cela, rouvrir un grand travail apaisé, exigeant, républicain dans la nation et parler avec tous les élus, les bénévoles, les associations, les entreprises qui vivent cela au quotidien".
Immigration et mineurs non accompagnés
Emmanuel Macron a appelé notamment à "réduire l'immigration illégale" par l'application des textes de lois déjà votés.
Il a dit vouloir une "reprise en main par l'État" de "la question des mineurs non accompagnés" et également se pencher davantage sur la question de la violence des mineurs.
Réduire le déficit
Emmanuel Macron veut "reduire le déficit" par "l'ambition économique". "L'action gouvernementale devra continuer de s'inscrire dans le sérieux budgétaire, sous peine de céder à l'affaiblissement du pays que promettent l'extrême droite et l'extrême gauche", a-t-il poursuivi.
Huit nouveaux réacteurs nucléaires
Emmanuel Macron a confirmé vouloir "huit nouveaux réacteurs nucléaires". Le 16 janvier, celui-ci avait projetté cette annonce pour l'été. "La France est l'un des pays d'Europe qui a l'énergie la plus décarbonée grâce au nucléaire. Il y a 6 ans, personne n'était d'accord sur le nucléaire", déclarait-il à l'époque.
Des "décisions" sur l'exposition des enfants aux écrans
Sur "la question des écrans", Emmanuel Macron a promis des "décisions claires" du gouvernement: "d'abord, en ne permettant pas l'usage des téléphones avant 11 ans et surtout, l'accès aux réseaux sociaux et à leur usage avant l'âge de 15 ans".
"Améliorer le quotidien de ceux qui travaillent" et des retraités
Sur la question du pouvoir d'achat, pour "améliorer le quotidien de ceux qui travaillent", le président de la République a appelé les entreprises à se saisir davantage des primes exceptionnelles non-imposables, comme la prime dite "Macron".
Il a confirmé que les retraites "seront bien indexées sur l'inflation".
Mea culpa sur "l'accès au logement des jeunes"
Emmanuel Macron a dit souhaiter une "vraie réponse sur l'accès au logement des jeunes". "Je fais mon mea culpa sur ce sujet, c'est un sujet sur lequel nous n'avons pas assez avancé, et où la réponse a été trop timide et j'en porte la responsabilité", a-t-il reconnu.
La question du découpage des collectivités
Emmanuel Macron veut "déconcentrer" plus rapidement et veut "supprimer un échelon territorial pour ramener plus de simplicité sur les territoires". Il a dit vouloir "rouvrir" la "question des grandes régions" réformées depuis le 31 décembre 2015. Le président veut "laisser le choix à nos compatriotes (...) s'ils veulent revenir sur ce sujet".
Le projet de loi constitutionnelle de la Nouvelle-Calédonie "suspendu"
Emmanuel Macron a décidé de "suspendre" le projet de révision constitutionnelle, "qui a été voté dans les mêmes termes par les deux chambres, sur le dégel du corps électoral de Nouvelle-Calédonie, à l'origine des émeutes il y a quelques semaines.
Il faut "donner toute sa force au dialogue sur place et au retour à l'ordre". "On ne peut pas laisser l'ambiguïté dans la période", a-t-il déclaré. De facto, il ne peut pas convoquer de Congrès depuis la dissolution de l'Assemblée nationale.
Favorable à une réforme audiovisuel public
Un retour à l'ORTF? "La réponse est non", a assuré le président, qui "pense" pour autant qu'il faut une réforme de l'audiovisuel public.
La réforme de l'assurance chômage est "importante"
Le président juge la réforme de l'assurance chômage "importante" et "bonne". "Le gouvernement a raison de l'assumer en campagne."
"Je pense que l'idée de dire on doit continuer de lutter contre l'inactivité et une société de plein-emploi est une bonne chose et je l'assume."
Le président ne "fera pas campagne" et ne débattra pas
"Les conséquences politiques" des européennes, "je les ai tirées devant vous". "Il y a une colère, il faut l'entendre, il faut lui donner un débouché, il fallait dissoudre", a assuré le président, qui assume "donner un cap et une vision" mais indique pour autant qu'il ne fera pas campagne aux législatives, "comme je ne l'ai pas fait en 2017 et 2022". Le chef de l'Etat ne débattra pas avec Marine Le Pen d'ici le scrutin.
Le président s'est tout de même attaqué aux programmes de ses adversaires. Il a dénoncé le "renoncement au projet écologique" de l'extrême droite et "l'abandon de tout ce qui fonde l'attractivité du pays et la capacité à garder des investisseurs". "Quand à l'extrême gauche, sa politique de taxation totalement déraisonnable et sa politique de sortie du nucléaire" font "tout à la fois l'impossibilité de suivre un chemin écologique crédible et l'affaiblissement du pays".
"Les deux blocs aux extrêmes, c'est un appauvrissement du pays et de nos compatriotes", estime le président.
Pas "d'esprit de défaite"
"Non à l'esprit de défaite, oui au réveil républicain", s'est emporté Emmanuel Macron, prônant et martelant le "sursaut", et se présentant en "indécrottable optimiste".
"Nos compatriotes sont des républicains, des femmes et hommes de bonne volonté, la France s'est toujours tenue ainsi. L'esprit de défaite a toujours été dans les élites, toujours, il vient des élites".
"J'ai fait le choix de faire confiance à nos compatriotes dans leur amour de la République plutôt que dans les combines, l'esprit de la démission et de défaite, moi je ne l'ai pas. Voila la responsabilité qui revient à la majorité", a-t-il tonné, pour conclure.