Législatives: les manifestations anti-RN peuvent-elles rassembler au-delà de la gauche ?

Depuis dimanche et le score du Rassemblement national ayant dépassé les 30% et Reconquête 5% aux européennes, plusieurs milliers de personnes se réunissent le soir dans plusieurs villes France et ce afin de manifester contre l'extrême droite. "La jeunesse emmerde le Front national" (parti ancêtre du Rassemblement national, RN) ou encore "Tout le monde déteste Marine Le Pen", font partie des slogans clamés notamment à Paris, place de la République.
Plusieurs organisations de gauche et syndicats appellent à une grande mobilisation samedi dans toute la France. A Paris, le rendez-vous est donné à 14h place de la République.
"Convaincre les abstentionnistes"
Pour autant, plusieurs incidents ont émaillé les manifestations depuis dimanche, comme quelques vitrines cassées. A Nantes, un drapeau français qui ornait la fenêtre d'un immeuble a été arrachée par des manifestants.
Fred Hermel, chroniqueur dans Estelle Midi sur RMC, a jugé ce mercredi "utile" ces manifestations pour "la campagne du RN", arguant que les futures "images de violences", inéluctables selon lui, sont "misées" par le parti d'extrême droite.
Pour Benjamin Amar, enseignant et syndicaliste, ces manifestations sont au contraire le moyen de "convaincre les abstentionnistes. Si on les décide d'aller voter, la donne peut changer et créer une effervescence populaire. On ne veut pas un truc effrayant mais massif et populaire", a-t-il plaidé. Ce dernier souhaite également voir des initiatives locales dans les entreprises. "Il faut donner envie aux gens d'aller voter."
"Anti-démocratique"
Si ces manifestations sont jugées ou utiles ou non, certains les trouvent tout simplement antidémocratiques. "J'en ai marre de ce déni démocratique systématique de l'extrême gauche. Les gens ont voté dimanche. La gauche, quand les gens ne votent pas pour eux, ça ne leur plait pas", a dénoncé Luc, auditeur RMC. "Le peuple a raison, que cela plaise ou non", affirme celui qui se définit comme abstentionniste.
"C'est la démocatie qui a parlé", abonde David, chauffeur routier et auditeur RMC. "J'appelle ça de l'anti démocratie, le peuple a voté et c'est ne pas accepte le vote des Français", selon lui.
"Remobiliser le camp de la gauche"
Des manifestations qui visent à remobiliser le camp de la gauche, selon Philippe Moreau Chevrolet, professeur de communication à Sciences Po. "Elles ont un impact positif pour remobiliser les électeurs et le camp de la gauche et l'unir ànouveau, malgré des grosses différences sur Gaza, l'Ukraine et plein d'autres dossiers", a-t-il rappelé. Selon lui, elles permettent surtout de "désigner un ennemi commun". "On est jamais aussi fort que quand on a un ennemi commun."
Mais l'enseignant a estimé que ces manifestations ne permettraient pas cependant de convaincre des abstentionnistes, au contraire, cela pourrait "les faire fuir". "Cela va durer trois semaines, il n'y a pas le temps pour que ca décante. Si c'était plus long, ce serait différent", a-t-il déclaré.
"Les Français ont développé une vraie tolérance à la violence politique, c'est malheureux et bizarre mais c'est comme ça", a affirmé Philippe Moreau Chevrolet
"C'était vrai pour les gilets jaunes, on a continué à les soutenir à plus de 60% malgré les combats de rue. Est-ce que ce sera le cas avec un mouvement vraiment identifié à gauche? Moins probablement", a-t-il nuancé.
Ces manifestations servent de "levier électoral" et ne pourront pas atteindre les manifestations contre l'extrême droite en 2002, selon Philippe Moreau Chevrolet. A noter tout de même qu'elles s'inscrivaient dans une époque et un contexte politique totalement différents, après l'accession pour la première fois au second tout d'une présidentielle d'un candidat d'extrême droite, Jean-Marie Le Pen.