Législatives: vers une alliance RN-Reconquête? Marine Le Pen confirme Bardella à Matignon en cas de victoire

Jordan Bardella et Marine le Pen, présidente du groupe parlementaire RN, réagissent sur scène lors d'une réunion de campagne en prévision des prochaines élections au Parlement européen, à Paris le 2 juin. 2024. - STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
"S'il dissout, tout est prêt!" Des mois durant, les lepénistes ont juré qu'il leur suffirait "d'appuyer sur le bouton" pour mettre en branle leur "Plan Matignon" visant à s'emparer d'une majorité à l'Assemblée et des manettes gouvernementales.
Invitée sur le plateau du 20H de TF1 ce lundi, Marine Le Pen a assuré qu'en cas de victoire du Rassemblement national lors des élections législatives anticipées, Jordan Bardella avait vocation à devenir Premier ministre, et non elle.
"Depuis des mois, nous travaillons avec Jordan Bardella dans le cadre d'un couple exécutif dans le but de remplir au mieux les fonctions que les Français nous confieraient. Moi vers la présidence de la République, lui vers Matignon, il n'y a aucune raison de changer cela", a fait valoir la triple candidate malheureuse à l'élection présidentielle.
La fille de Jean-Marie Le Pen a également affirmé que le RN était "bien sûr capable" de ne pas présenter de candidat RN face à des candidats LR avec lesquels un accord aurait été trouvé, afin de "faire le rassemblement" lors des législatives anticipées du 30 juin et 7 juillet.
"C'est ce sur quoi nous travaillons, mais avec des points politiques sur lesquels chacun se met d'accord. (...) Je pense qu'avec un grand nombre d'élus, nous le sommes", a-t-elle expliqué sur TF1, évoquant "un projet fondé sur deux grands chantiers, la défense du pouvoir d'achat et le redressement de l'économie et la lutte contre l'insécurité et l'immigration
Vers une alliance avec Reconquête?
Depuis dimanche soir, le jeu d'enfant se révèle en fait casse-tête, chacun posant ses yeux sur le sablier qui égrène les vingt petites journées qui les séparent du premier tour. Première étape: les investitures. "On fait des auditions, on sélectionne...", répétaient ces dernières semaines les pontes du parti, dont peu auraient parié que ces législatives soient à ce point anticipées.
Lundi après-midi, "la moitié" des 577 circonscriptions étaient pourvues en candidat, a assuré le directeur de campagne, le député Alexandre Loubet, déjà à l'œuvre pour les européennes aux côtés de Jordan Bardella.
"A priori", les 88 députés RN seront tous candidats à leur propre succession, mais aucun des 30 eurodéputés élus dimanche soir. Les lepénistes doivent en revanche arrêter une stratégie avec d'éventuels partenaires, alors que Marion Maréchal a rencontré Jordan Bardella et Marine Le Pen lundi en fin d'après-midi.
A l'issue, elle a exprimé son "souhait ardent" de "trouver le moyen de nous rassembler" avec le Rassemblement national, disant vouloir "en discuter" avec Eric Zemmour, le président de son parti Reconquête!, "pour qu'une décision soit prise". Le patron du RN a pour sa part souligné que sa concurrente d'hier avait "fait preuve durant toute la campagne d'une démarche et d'une attitude constructive à l'égard du Rassemblement national", tout en glissant que ça n'avait "pas été le cas d'Eric Zemmour".
Jordan Bardella a également "tendu la main" aux Républicains en disant avoir eu "des discussions" avec certains de leurs cadres, reconnaissant qu'il était "difficile de gagner seul". Marion Maréchal a, elle aussi, indiqué avoir "un certain nombre de rendez-vous prévus avec des membres des Républicains", ainsi qu'une "entrevue" programmée mardi matin avec Nicolas Dupont-Aignan, le président de Debout la France.
Une alliance sous la même bannière est-elle possible? Un arrangement plus souple, par exemple en ne présentant pas de candidat RN dans certaines circonscriptions "réservées" pour Reconquête semble davantage plausible.
"Horaces"
Fort de son score historique obtenu dimanche (31,37%), le Rassemblement national estime en tout cas que "les jeux sont ouverts" pour ces législatives, au terme desquelles, pour la première fois de l'après-guerre, l'extrême droite pourrait obtenir une majorité à l'Assemblée et obtenir les clés du gouvernement.
Avec quel chef? "Jordan Bardella", assurent les cadres du mouvement à la flamme, coupant court aux rumeurs qui prêtaient à Marine Le Pen de nouvelles intentions. "L'un de nos slogans, c'est 'Bardella Premier ministre'", confirme Alexandre Loubet, alors que la formule est déjà largement partagée sur les réseaux sociaux.
La question des ressources humaines en cas d'accession au pouvoir est balayée tout aussi vite: "On a des gens compétents, de qualité", martèle M. Loubet. Le parti n'a pourtant jamais exercé de responsabilités, à part sporadiquement dans quelques exécutifs locaux, souffrant par ailleurs d'une image toujours sulfureuse.
"Des hauts fonctionnaires qui partagent nos idées, j'en connais à la pelle", oppose le même, en rappelant "qu'on nous disait la même chose lorsqu'on est entré à l'Assemblée il y a deux ans, alors qu'on a reçu des centaines de CV pour devenir nos collaborateurs".
Depuis plusieurs années, Marine Le Pen affirme être entourée de conseillers sur-diplômés, souvent de l'ENA, baptisés "Les Horaces", qui participent pleinement à l'élaboration du programme.
Un autre groupe, "plus jeune", a par ailleurs vu le jour ces derniers mois, alors que la préparation d'un éventuel bail à Matignon a été confiée à un troisième groupe, "une espèce de cabinet autour de Marine Le Pen qui travaille sur le fond", explique un proche.
Au Rassemblement national, on met en outre en avant "le sérieux" de leurs députés, "dont beaucoup se sont spécialisés sur des thématiques au cours de leur mandat", pour convaincre d'une alternance sans heurts en cas de succès le 9 juillet. En se permettant de plastronner.
"Quand on voit le bilan politique des autres, on n'a pas de leçon à recevoir", sourit un stratège.