Les propositions de Jean-Jacques Urvoas pour "valoriser l'ensemble du travail parlementaire"

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Jean-Jacques Urvoas, ancien ministre de la Justice et candidat à sa réélection en tant que député PS de la 1ère circonscription du Finistère:
"Il est nécessaire de modifier le travail parlementaire parce que, selon moi, le travail de l'Assemblée nationale est irremplaçable mais l'appréhension qu'en ont les citoyens n'est pas bonne. On donne le sentiment d'être un théâtre coupé des réalités avec des affrontements aussi stériles qu'inutiles. Tout cela masque la réalité du travail, à savoir le vote de la loi et le contrôle de l'action du gouvernement. Comme ce n'est pas le fond qui est mauvais, c'est la manière de le montrer qu'il faut faire évoluer. Il faut donc toucher à la séance publique, aux contrôles, au fonctionnement de l'Assemblée nationale. Et je trouve que le début de la législature est un bon moment pour prendre de bonnes nouvelles habitudes, sous réserve que l'on n'ait pas besoin de révisions constitutionnelles ou de modifications de lois organiques.
"Raccourcir les séances du mardi d'une demi-heure"
Quand on discute avec les citoyens, on se rend compte que pour eux Assemblée nationale = Questions au gouvernement (QAG) dont l'exercice n'a pas changé depuis sa création en 1974. Celui-ci devient donc aujourd'hui complètement caricatural parce qu'entre des affrontements, aussi théâtralisés que pathétiques, et un public, qui donne le sentiment d'être entre l'ennui et l'assoupissement, on a le sentiment que cela témoigne de la réalité de l'Assemblée. Donc, parce que c'est la vitrine et qu'elle est négative, il faut la modifier pour valoriser l'ensemble du travail parlementaire.
C'est pourquoi, je propose de raccourcir les séances du mardi d'une demi-heure et de réserver cet échange au Premier ministre et aux présidents des groupes parlementaires. On aura alors, de manière beaucoup plus dense, un dialogue qui sera inévitablement plus réactif qui permettra justement d'illustrer le sujet politique du moment et les points de vue développées par les uns et par les autres.
"Je suggère que l'opposition préside la commission des Affaires sociales"
Je propose aussi que la séance du mercredi, qui est un moment de contrôle de l'action du gouvernement, aux députés de l'opposition puisque le contrôle, par essence, me paraît être plus le métier de l'opposition, celui de la majorité étant de voter la loi. Toutefois, et cela serait un changement notable, il faudrait que le ministre qui va être interrogé connaisse le sujet sur lequel il va l'être, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Ce qui explique que parfois ils tournent en rond puisqu'ils n'ont pas les connaissances précises du sujet pointu qui est évoqué. Avoir le thème permettrait donc aux ministres de se préparer et d'avoir une plus grande utilité.
Notre Parlement est encore très timide sur le contrôle de l'action gouvernementale. Il y a en effet huit commissions à l'Assemblée mais il n'y en a qu'une présidée par l'opposition. Je suggère donc que l'opposition en préside une seconde, et je propose que cela soit la commission des Affaires sociales. En effet, les sujets de financement de sécurité sociale, de problèmes médicaux sont, en masse budgétaire, considérables. Il y a donc une certaine logique à ce que cette commission soit présidée par un député de l'opposition dans la mesure où nous allons prochainement créer un rapporteur général des Affaires sociales.
"Renforcer le pouvoir de pétition des citoyens"
Selon moi, il faut aussi renforcer la fonction déontologique à l'Assemblée nationale. Il y a un déontologue mais celui-ci n'a pas de pouvoir d'investigation. Il ne peut pas s'auto-saisir des dossiers. Il ne peut donc pas poursuivre des demandes de renseignements pour dissiper des interrogations. Ce qui fait que l'opprobre est souvent jeté. Mais si le déontologue pouvait plonger dans les masses documentaires de l'Assemblée alors tout le monde en bénéficierait.
Je propose aussi de modifier les pouvoirs dans les commissions d'enquête. Enfin, je suggère de renforcer le pouvoir de pétition des citoyens. Ce droit existe dans la Constitution mais c'est une branche morte du règlement, cela ne fonctionne plus. Il faut donc le revisiter et faire en sorte que ce soit l'Assemblée, par le biais de son site, qui doit les réceptionner et, une fois un certain seuil atteint, cela contraindrait les commissions à étudier les sujets et à prendre des positions politiques.
"Changer la séance publique"
Enfin, je propose de changer la séance publique. Depuis 2008, les commissions ont été renforcées, elles ont un travail législatif mais la séance publique est restée identique. On n'a pas tiré de conséquence sur le fait que la commission fait la loi. En séance publique, nos débats ne sont que la reproduction de ce qui a déjà été fait dans la commission. Nous devons donc trouver d'autres moyens pour densifier cette séance publique, permettre qu'elle soit beaucoup plus rapide et beaucoup plus utile.
Je suggère donc que le président de l'Assemblée puisse, comme en Grande-Bretagne, disposer de la procédure dite du 'kangourou' qui permet de sauter certains amendements pour ne retenir que les plus représentatifs".