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Macron et le "bordel": "Difficile d'être président jupitérien et d'utiliser le vocabulaire de Nicolas Sarkozy"

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- - AFP

Après les "fainéants", voici le "bordel". Les propos d'Emmanuel Macron, mercredi lors d'une visite en Corrèze, sur ceux qui "foutent le bordel" font partie d'une stratégie de communication du chef de l'Etat, explique sur RMC.fr Florian Silnicki, expert en communication politique. Une stratégie qui a ses limites, comme il l'explique à RMC.fr.

Florian Silnicki, expert en communication politique et en communication de crise. Fondateur de l'agence de communication LaFrenchCom'.

"C'est une stratégie, c'est réfléchi. Emmanuel Macron a bien vu qu'il était filmé, il a vu les micros. Ce 'parler cash' est l'application stricte d'une stratégie dont le père est Nicolas Sarkozy. On peut penser que pour continuer à se démarquer de François Hollande et de l'étiquette d'impuissance politique qui lui a été collée, il se rapproche de Nicolas Sarkozy en adoptant un 'parler cash' et des formules chocs.

Quand il s'était éloigné des Français après son élection et qu'il s'adressait moins à eux, il avait baissé dans les sondages. Là, il commence à remonter dans les sondages d'opinions et adopte plutôt une stratégie à la Sarkozy ou à la Ségolène Royal, afin de montrer qu'il est proche des Français et qu'il est connecté à la réalité du terrain. Cela peut être une astuce pour délivrer un message sans devoir dévoiler l'action politique qu'il y a derrière.

"Ça permet aux Français de vous comprendre"

Ça peut avoir des avantages: ça permet aux Français de vous comprendre. Ils peuvent se dire que le président est comme eux, pense comme eux et utilise une expression qu'ils auraient eux-mêmes utilisée. Le revers de la médaille, c'est l'effet d'accumulation qui peut agir comme un boomerang. Lorsqu'il dit ça, Emmanuel Macron ne prend pas en compte le fait qu'on l'a beaucoup accusé d'être méprisant (avec ces propos sur les fainéants) et d'être le président des riches (avec sa volonté de réformer l'ISF), or cela peut influer sur la façon dont les Français vont percevoir ce message.

Et puis on peut difficilement être président jupitérien et utiliser le vocabulaire de Nicolas Sarkozy. L'ancien président avait d'ailleurs fini par le payer dans les sondages, car ses propos avaient lassé les Français. François Mitterrand n'utilisait que 200 mots de vocabulaire quand il parlait aux Français, mais il le faisait dans une syntaxe parfaite.

"Cela contribue à casser la stature des politiques"

Emmanuel Macron doit assumer, évidemment. Ne pas l'assumer serait maladroit et abimerait la confiance qu'une partie de l'opinion publique lui accorde. On sait que c'est une mise en scène, que cela fait partie d'une stratégie d'image.

Aujourd'hui, les Français sont matures à l'égard des stratégies de communication politique. Ils savent décrypter cette com'. Les hommes politiques ont traduit cela par une nécessité d'adopter le 'parler cash'. Mais ce parler cash peut aussi contribuer à casser leur stature, notamment quand ils sont président de la République. C'est une langue de bois comme une autre. Ça permet de commenter plutôt qu'agir, et ça peut contribuer non pas à les rapprocher de leurs électeurs comme ils le pensent et comme c'est l'objectif, mais plutôt à alimenter le discours selon lequel ils agissent peu."

Propos recueillis par Philippe Gril