Menace de destitution d'Emmanuel Macron par LFI: pourquoi la procédure semble compliquée

"Démettre plutôt que se soumettre." LFI le répète, mais c’est plus facile à dire, qu’à faire. Dimanche 18 août 2024, dans une tribune, les chefs de file du mouvement Jean-Luc Mélenchon, Mathilde Panot, Manuel Bompard, ont dénoncé "le coup de force" d’Emmanuel Macron.
Un "coup de force institutionnel contre la démocratie", selon eux. Ils lui reprochent de ne pas respecter le résultat des urnes aux dernières élections, les législatives anticipées qui ont donné l’union de la gauche, le Nouveau Front populaire, en tête d’une très courte majorité.
Un "manquement" du président?
Voilà pourquoi ils invoquent l’article 68 de la Constitution. Il permet de destituer le président de la République en cas de "manquement" à ses devoirs. Ce qui veut dire? C’est toute la question. Et un des premiers obstacles à cette procédure.
D’après plusieurs constitutionnalistes, cette notion de "manquement" est volontairement floue, soumise, comme souvent dans la Constitution, à interprétation. Sur le site vie-publique.fr, on peut lire que cela peut relever du comportement politique du président, mais aussi du privé si les actes en question portent atteinte à la fonction.
Ce qu’il faut comprendre, c’est que la destitution a été imaginée en cas d’abus de pouvoir du chef de l’État. Les Insoumis estiment que c'est le cas, en n'ayant pas nommé de Premier ministre issu de la gauche, en l’occurrence Lucie Castets. Aux parlementaires de trancher désormais, et c’est une autre paire de manches.
Une procédure complexe
Parce que la procédure en destitution se fait en plusieurs étapes. Il faut d’abord que le Parlement se constitue en ce que l’on appelle "la Haute Cour". Pour cela, la proposition de résolution doit être validée par: le bureau de l’Assemblée, puis la commission des Lois, et enfin dans l’hémicycle avec les deux tiers des voix. Même parcours côté Sénat, qui est dominé par la droite.
Et ce n’est pas fini. Admettons que ce soit le cas, une fois cette procédure validée par les deux chambres, il faut que les parlementaires se prononcent sur la destitution en tant que telle. Elle se fait à bulletin secret, et là, aussi, elle doit être votée par une majorité à deux tiers. Ajoutez à cela que la prochaine session parlementaire est début octobre...
Les autres partis du NFP alignés
Arithmétiquement, c’est déjà difficile. Pour ne rien arranger, les partenaires des Insoumis se désolidarisent. Ces derniers ont à peine allumé la mèche que les socialistes ont sorti l’extincteur. Cette proposition de destitution "n’engage que le mouvement des Insoumis", a dit Olivier Faure.
Le patron du PS, qui préfère utiliser l’arme de la censure, est rejoint par ses partenaires. La cheffe des écologistes Marine Tondelier préfère consacrer son énergie à la nomination de Lucie Castets. La destitution ce n’est pas non plus la priorité des communistes, qui regrettent que LFI se lance déjà dans la course à la présidentielle.
Des précédentes procédures de destitution?
Contrairement aux États-Unis où il y a déjà eu plusieurs procédures d'"impeachment", en France, c’est quasiment inédit. Depuis la révision constitutionnelle de 2007, qui précise les conditions de la destitution, une seule a été proposée. Elle visait François Hollande, en 2016.
Le président avait alors confié des éléments dits "secret-défense" à des journalistes, révélés dans le fameux livre Un président ne devrait pas dire ça. Les députés de droite avaient alors tenté de recourir à l’article 68. Mais l’initiative n’avait même pas passé l’étape du bureau de l’Assemblée nationale. C’est dire.
Une rencontre vendredi
En tout cas, cette démarche risque de s’inviter à l’Élysée. Le président reçoit les responsables politiques vendredi. D’autant que les dirigeants du Nouveau Front populaire arriveront en premier, ensemble, et avec leur candidate désignée pour Matignon, Lucie Castets. Emmanuel Macron a certes très vite balayé d’un revers de main l’option de la nommer Première ministre, mais cette menace de destitution ne va pas aider.
Si l’on est un peu cyniques, cela peut même arranger le président. Le camp macroniste rêve de voir les sociaux-démocrates lâcher les Insoumis et rejoindre une hypothétique coalition. Mais là aussi, la "procédure" est encore loin d’aboutir.