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OQTF à Saint-Pierre-et-Miquelon: "On est obsédés par les ordres de renvoi", déplore un spécialiste

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Sur le plateau d'Apolline Matin, Patrick Weil, chercheur au CNRS et historien, est revenu ce mercredi sur les problèmes structurels de la France en matière de gestion des personnes sous OQTF dangereuses et non-dangereuses. D'après le spécialiste, laisser uniquement la main au ministère de l'Intérieur n'est pas la bonne méthode alors que Laurent Wauquiez a provoqué un tollé en voulant envoyer les OQTF à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Son idée a provoqué un tollé. Laurent Wauquiez, président du groupe LR à l'Assemblée nationale, a proposé une alternative aux personnes dangereuses sous OQTF: "Soit vous rentrez dans votre pays, soit vous partez à 4.000 km de la métropole à Saint-Pierre-et-Miquelon". "Il fait 5 degrés de moyenne pendant l’année, cent quarante-six jours de pluie et de neige. Je pense qu’assez rapidement ça va amener tout le monde à réfléchir", a-t-il ajouté dans les colonnes du JDNews.

Après cette prise de parole, Manuel Valls, ministre des Outre-mer, a déclaré y voir du colonialisme et Marine Le Pen a estimé que les habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon ne sont pas des sous-citoyens.

De son côté, Patrick Weil, directeur de recherche au CNRS et historien, pointe les problématiques structurelles sur ce dossier, et le manque d'organisation du marché du travail vis-à-vis des individus placés sous OQTF.

"On est le seul pays d'Europe où on n'organise pas l'immigration autour de ses différentes dimensions. Nous, on est obsédés par le ministre de l'Intérieur qui donne des ordres de renvoi", explique-t-il.

Pour rappel, la France est le pays qui délivre le plus d'OQTF avec un chiffre estimé à 140.000 en 2024. Gérald Darmanin, alors ministre de l'Intérieur, s'était félicité de l'augmentation du renvoi des individus dangereux concernés par cette mesure.

"On a tout mis au ministère de l'Intérieur"

La population immigrée a augmenté de 40% entre 2000 et 2023, alors que les chiffres sont restés stables durant les trente années précédentes.

Pour le spécialiste et auteur de "La France et ses étrangers", les moyens ne sont désormais plus placés au bon endroit. "Avant, l'immigration, c'était trois ministères: le Travail, les Affaires étrangères et l'Intérieur. Sauf que, maintenant, on a tout mis à l'Intérieur", détaille-t-il sur le plateau d'Apolline Matin.

Sauf que le ministre de l'Intérieur possède d'autres occupations et "n'est pas un ministre de l'Immigration à temps plein", et qu'il "ne sait pas s'occuper du marché du travail ni faire de diplomatie".

Patrick Weil revient en outre sur la répartition du temps accordé aux personnes placées sous OQTF. Il prend l'exemple d'une personne non-dangereuse dont l'employeur souhaite une régularisation non réalisée par la préfecture. Un agent de préfecture défendra le renvoi de l'individu et sera donc occupé sur ce cas, plutôt que de se consacrer à la minorité délinquante.

L'historien avait d'ailleurs demandé il y a quelques années la distinction des OQTF dangereux des autres, insatisfait de les voir placés aux mêmes endroits. Pour les premiers, "il faut mettre tous les moyens de la diplomatie, de la police, de la justice, pour qu'ils soient renvoyés".

"Enfermer les OQTF à Saint-Pierre-et-Miquelon" : lunaire ? - 09/04
"Enfermer les OQTF à Saint-Pierre-et-Miquelon" : lunaire ? - 09/04
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Le cas de l'Allemagne

Le sujet est d'autant plus d'actualité, car la ministre de l'Intérieur allemande Nancy Faeser a déclaré dans un communiqué ce lundi que la France était devenu le premier pays européen à recevoir des demandes d'asile devant sa nation. En février dernier, 13.065 demandes avaient été enregistrées dans l'Hexagone, contre 12.975 en Allemagne.

"L'Allemagne a fait venir un plus grand nombre de réfugiés en Syrie en 2015, car elle avait des besoins sur son marché du travail. Là, elle est en récession. Elle ferme et ça marche. Elle travaille la question de l'immigration en relation avec l'emploi", commente Patrick Weil.

Il assure en outre que les mesures de police sont complémentaires des mesures qui sont proches du marché du travail dans ce pays voisin, permettant une meilleure gestion du dossier.

Mélanie Hennebique