RMC

Présidentielle: mais pour qui vont voter les "gilets jaunes"?

Certains gilets jaunes continuent de se mobiliser un peu partout en France. A J-18 du premier tour, les participants de ce mouvement très éclectique ont-ils une préférence pour le scrutin présidentiel à venir?

Comme un voyage dans le temps. Trois ans et demi après le début du mouvement populaire des "gilets jaunes" sur les ronds-points, certains continuent de se mobiliser chaque semaine. C'est le cas dans l'Oise, près de Beauvais, où RMC s'est rendu ce mardi. Tout y est, comme si rien n’avait changé.

Trois fois par semaine, des femmes et des hommes de tout âge se réunissent gilets jaunes sur le dos, assis sur des chaises de camping au bord de la route. Dès qu’un nouveau arrive, on l’embrasse et le cercle s’agrandit ! Les affiches aux slogans anti-Macron sont de sortie, les klaxons des routiers pour exprimer leur solidarité aussi. Et quand on dit que rien a changé, ce n’est pas tout à fait vrai: trois ans après, la colère contre le président Emmanuel Macron s’est encore accentuée.

"Son dédain affiché est insupportable, il prend les gens pour des gueux, des fainéants, qu'il aille se faire foutre quoi...", lance Brigitte.

"J'ai la rage"

"Macron est un menteur, il a promis beaucoup de choses qu'il n'a pas tenu. Dans mon collège, il a supprimé tous les contrats aidés, dont moi alors que je pouvais rester jusqu'à ma retraite, à cinq ans de la retraite. Je n'ai pas retrouvé de boulot, je ne peux pas me chauffer à la maison... On n'en peut plus", glisse 'Bibiche' (61 ans).

Valérie (54 ans), gardienne d'immeuble, n'est pas plus convaincue par le président de la République: "Ça s'est dégradé. Les sorties restaurant ou cinéma, c'est fini. Avant, j'aidais un peu mes enfants. Maintenant ça coince, donc bien sûr j'ai la rage."

Ces trois gilets jaunes ne voteront évidemment pas en faveur d’Emmanuel Macron, mais est-ce que certains candidats ont trouvé grâce à leurs yeux? Quelques-uns se disent toujours écœurés des politiques, mais sont devenus minoritaires. Beaucoup se sont politisés au sein de ce mouvement, ont appris à décortiquer les programmes. Sur la trentaine de gilet jaunes, une quinzaine nous ont confié qu’ils voteraient pour Jean-Luc Mélenchon, mais pas aveuglément.

"Je ne peux pas parler au nom de tous les gilets jaunes, mais on est beaucoup à parler comme ça: au premier tour je voterai pour l'Union populaire, pas pour Mélenchon". "Mais que ce soit n'importe quel résultat, on sera dans la rue", prévient de son côté Valérie. "On sera là pour leur rappeler qu'il faut qu'ils respectent leur programme."

"Ma colère grandit, aussi bien contre le pouvoir en place, mais aussi vis-à-vis des gens qui ne font rien pour que ça réagisse"

Jean-Luc Mélenchon est conscient d’avoir là un potentiel réservoir de voix. Il a d’ailleurs proposé dimanche dernier lors de sa marche à Paris d’amnistier tous les gilets jaunes condamnés pendant le quinquennat. Aller voter, ça semble désormais essentiel pour les gilets jaunes. "Tous aux urnes" affiche une des pancartes. Mais la démocratie, ça ne peut pas être qu’une fois tous les cinq ans, rappelle David Roscouët, mobilisé depuis le premier jour dans l’Oise.

"Ma colère grandit, aussi bien contre le pouvoir en place, mais aussi vis-à-vis des gens qui ne font rien pour que ça réagisse. Pour assurer un avenir pour leurs enfants et leurs petits-enfants. On est toujours actifs, on essaye de faire bouger les choses mais il y a énormément d'inaction de l'autre côté. Mes grands-parents se battaient pour des acquis sociaux, mais on est en train de tout perdre. Et les gens ne bougent pas, et se plaignent", conclut-il.

Mahauld Becker-Granier et Martin Cadoret (édité par J.A.)