Valises de billets à l'Elysée, ministres choisis par un président africain: Robert Bourgi se livre

Il fut l'homme qui précipita la chute politique de François Fillon en révélant l'affaire des costumes. Il revient avec un livre pour s'en prendre cette fois à la droite française dans son ensemble. Robert Bourgi, 79 ans, assure dans son livre "Ils savent que je sais tout: ma vie en Françafrique", avoir fait l'intermédiaire entre des dirigeants africains qui versaient de l'argent directement au président de la République Jacques Chirac à l'Elysée.
Invité des Grandes Gueules ce vendredi, l'avocat franco-libanais évoque un système en place depuis 1958 avec Jacques Foccart, le monsieur Françafrique du général de Gaulle, pour se poursuive sous Pompidou, Giscard-d'Estaing, Mitterrand et Chirac, avant de s'arrêter en 2007. "Il n'y a jamais eu un sou dans la direction du président Nicolas Sarkozy à partir du moment où il a accédé à l'Elysée", tient-il à prévenir.
Ces valises d'argent liquide servant à financer l'action politique de Jacques Chirac, notamment, étaient transmises à l'Elysée par des émissaires de chefs d'Etats africains, accompagnés à l'époque par Robert Bourgi. L'argent était amené via l'avion du président de la République française puis une voiture officielle jusqu'à l'Elysée.
La "stupeur" de Jacques Chirac devant des petites coupures de dollars
Parmi les plus généreux donateurs selon lui, Omar Bongo (président du Gabon jusqu'en 2009), Mobuto (président du Zaïre jusqu'en 2007), Sassou Nguesso (actuel président de la République du Congo) et Blaise Compaoré (président du Burkina Faso jusqu'en 2014).
Des versements qui ont donné lieu à des scènes particulières. "Une fois, Salif Dialo, ministre d'Etat de Blaise Compaoré, est arrivé dans le bureau de Dominique de Villepin avec quatre djembés. Quand Villepin a coupé les cordes déversant les billets, ce fut la stupeur pour Jacques Chirac devant les petites coupures de 5 et 10 dollars", se souvient Robert Bourgi sur RMC et RMC Story: "Il m'a dit 'mais qu'est-ce que je vais en faire?'".
Cet argent servait à financer l'action politique de la droite, assure Robert Bourgi, mais également certains séjours de Jacques Chirac dans de luxueux hôtels à l'île Maurice, payés par cet argent donc, et en liquide. "Tous les chefs d'Etats africains me demandaient ce que faisait Jacques Chirac de cet argent", ajoute l'avocat.
Quand Omar Bongo choisissait les ministres français après un remaniement
Alors, pourquoi prenaient-ils la décision de donner cet argent à l'Elysée? "C'étaient des grands naïfs, on leur promettait un tas de choses et aucune promesse n'était tenue. On leur disait qu'on les aiderait devant le FMI par exemple. La contrepartie, c'était aussi de dissuader leurs opposants de s'attaquer à eux", explique Robert Bourgi. "On soutient ces chefs d'Etats, parce que ces Etats sont riches", ajoute-t-il.
Parfois, certains chefs d'Etats africains s'interrogent auprès de Jacques Chirac notamment, à propos des "bien mal acquis". "Un jour en 2005, à l'Elysée, Omar Bongo dit à Jacques Chirac: 'Et si je me mettais à parler? J'ai acheté tant d'appartements à pas mal de personnalités politiques françaises de droite, du centre de gauche. Si je me mets à parler, il n'y a plus un seul homme politique qui survit en France'", se souvient Robert Bourgi.
La même année, alors que Jacques Chirac s'apprête à nommer un nouveau gouvernement, c'est Omar Bongo qui dresse une liste de ministres français qu'il aimerait voir être nommés, dont Nicolas Sarkozy comme Premier ministre: "Jacques Chirac a reçu tous ces candidats et il a fini par en nommer sept de cette liste dont Michel Barnier", l'actuel Premier ministre, confie Robert Bourgi.