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"On privatise l'eau": dans les Deux-Sèvres, la guerre entre pro et anti bassines d'eau est déclarée

Les écologistes accusent les bassines artificielles dédiées à l'irrigation d'accaparer les ressources en eau. De leur côté, les agriculteurs déplorent le blocage idéologique. L'ambiance est électrique sur le terrain alors que des dégradations et des échauffourées ont eu lieu plus tôt dans l'année.

Haro sur les bassines. Dans les Deux-Sèvres et en Vendée, un collectif part en guerre contre l'implantation de bassines, ces réserves d'eau artificielles pour l'irrigation agricole. Près du marais poitevin, la multiplication des projets de bassines est l’objet d’une vive querelle entre agriculteurs et opposants qui appellent à une autre gestion de l’eau.

Le collectif "Bassines non merci" appelle à des actions citoyennes visant "à mettre en place des actions visant à stopper l’installation" de ces bassines: "Des bassines, ce ne sont pas retenues, ce sont des cratères artificiels, qui font jusqu'à 15 hectares, que l'on creuse dans le caillou", explique ce lundi sur RMC Julien Le Guet, porte-parole du collectif "Bassines Non Merci".

"La terre extraite est ensuite constituée en digues qui font le tour du cratère. Comme ici le sol est calcaire, il faut étanchéifier le tout alors le sol est plastifié. Ils veulent en faire 16 chez nous. C'est 1 million de m2 de plastique qu'ils veulent mettre en place pour réserver l'eau", précise-t-il.

"L'eau n'est plus un bien commun"

L'eau qui remplit ces bassines vient du pompage des nappes phréatiques, assure Julien Le Guet, qui dénonce une désinformation des ministres de l'Agriculture successifs et de la FNSEA, tous favorables à ces bassines.

"À partir de ce moment, l'eau n'est plus un bien commun, on la privatise et on se l'accapare, cela devient l'eau des agro-industriels qui font du maïs en quantité. Et quand l'eau se retrouve dans la bassine, les industriels s'extraient des arrêtés préfectoraux concernant les interdictions d'irriguer", assure-t-il.

"Le débat sur l'irrigation a été confisqué par de l'idéologie"

"Les écologistes n'ont pas toujours raison", lui répond ce lundi sur RMC Christiane Lambert, la présidente de la FNSEA: "L'eau utilisée pour l'agriculture, ce n'est pas de l'eau perdue, elle est utilisée pour l'alimentation. En France, le débat sur l'irrigation a été confisqué par de l'idéologie. On a augmenté les réserves d'eau de 1% en 10 ans. En Europe, elles ont augmenté de 13% en 10 ans. Les autres pays européens ont augmenté leurs réserves d'eau en anticipant le changement climatique".

"Chez nous, il y a un blocage des écologistes et de certains partis politiques alors qu'on a vu Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot manifester en Poitou-Charente. Il faut sortir du tabou et s'adapter en adoptant d'autres solutions ", ajoute-t-elle.

Tensions

De son côté, Julien Le Guet déplore le business autour de l'eau: "L'enjeu de l'eau est déjà énorme. Pour l'avenir, ceux qui placent leurs billes dedans, seront les grands profiteurs de demain. Pour un bien vital, il faut sortir de ces logiques d'accaparement et capitaliste pur".

Et si plus tôt dans l'année des manifestations entre pro et anti bassines ont donné lieu à des dégradations des systèmes d’irrigation et des échauffourées avec les forces de l’ordre, Julien Le Guet estime "légitime" ces actions: "On trouve légitime que quand l'État n'est plus capable de garantir l'intérêt général et la stricte application du droit, c'est aux citoyens de le faire pour un bien vital comme l'eau", conclut-il.

Guillaume Dussourt