Choix de prénom: "Les parents ne sont pas là pour s'amuser"

"Nutella", "Bob l'éponge", "Ikea"... Certains prénoms qui ont été refusés par l'État civil français frôlent le ridicule. Pour d'autres, le débat est plus ouvert. Il y a un an et demi, un couple d'Angevins n'a pas pu appeler sa fille "Fañch". Ce prénom breton comporte un tildé, un signe diacritique sur le "n" qui n'est pas reconnu par la langue française selon le Code civil.
Les parents avaient été assignés devant un juge aux affaires familiales par le ministère public pour changer le prénom de leur enfant. Mais la justice a donné raison au couple le 28 février dernier. Dans une interview accordée à Ouest-France, le couple confie avoir vécu un moment "psychologiquement très dur" et défend la "liberté de choix". Le procureur a encore un mois pour se pourvoir en cassation et inverser la décision.
Dans la foulée de cette dernière, une proposition de loi transpartisane, à l'initiative d'une cinquantaine de députés, en majorité bretons, a été déposée. Son objectif affiché est de "permettre une application équitable et respectueuse des traditions locales".
La lourde responsabilité des parents
Le débat autour du choix des prénoms refait régulièrement surface. Les parents ont une lourde tâche et font un choix pour une autre personne qu'eux-mêmes. Ce dernier peut avoir des conséquences traumatisantes. "On dit 'porter un prénom', porter ça sous-entend un fardeau.
Il y a les raisons du choix qui peuvent être traumatisantes, et derrière le prénom en lui-même aussi", explique, au micro d'Estelle Midi, François Bonifaix, psychanalyste auteur du livre "Le traumatisme du prénom".
"Il ne faut pas autoriser tous les prénoms, c'est pour ça qu'on légifère, mais il y a des choses qui peuvent passer et qui vont poser préjudice à l'enfant, ne serait-ce que dans le trauma qui va être véhiculé dans le transgénérationnel", ajoute le spécialiste.
"Les parents ne sont pas là pour s'amuser, n'ont pas perdu un pari", s'énerve l'économiste Pierre Rondeau.
Plus de deux Français sur 10 (21%) déclaraient avoir été victimes de moqueries lors de leur enfance à cause de leur prénom, selon une enquête de l'institut de sondages Flashs. 18% des personnes interrogées avouaient même avoir déjà reproché à leurs parents le choix de leur prénom.
Né à Bordeaux en 1944, de parents espagnols, Libertad (liberté en espagnol) a vécu une enfance "compliquée". "Ça a été très difficile. On m'appelait liberté. Je l'ai accepté difficilement", confie-t-elle sur RMC. "Les enfants peuvent être très méchants entre eux", réagit Yaël Mellul, ancienne avocate chroniqueuse d'Estelle Midi.
"On ne doit surtout pas autoriser tous les prénoms, parce qu'il y a quelque chose de beaucoup plus important que la liberté parentale, c'est l'intéret supérieur de l'enfant. C'est ça qui doit prévaloir dans la décision, c'est l'identité de l'enfant. Il ne faut pas qu'elle soit lourde à porter", insiste-t-elle.
En cas de traumatisme violent, ou pour se sentir mieux, la loi autorise les changements de prénom. Mais c'est un processus "très lourd" selon François Bonifaix: "Changer de prénom, c'est se déprénommer, c'est-à-dire qu'on enlève la reconnaissance qui a été donnée par ses parents pour en prendre une nouvelle. Il faut que ça soit un long travail thérapeutique."
Pour peut-être éviter d'en arriver là, le psychanalyste conseille aux gens de questionner leurs parents sur les raisons de leur choix.