Ce collège lutte contre le cyberharcèlement avec "des élèves lanceurs d'alertes"

- - AFP
Sylvie Hamon est la principale du collège public Saint-Pol-Roux, de Brest (Finistère).
"Dès 2011, nous avons mis en place un plan contre le harcèlement à l'école. Très régulièrement nous faisons des journées de prévention durant lesquels nous mettons les élèves face à une situation de harcèlement ou de cyberharcèlement, et on va leur demander d'imaginer une réponse. En fonction de l'âge des enfants, la situation et la forme évoluent: ce seront des saynètes pour les 6es, et un procès fictif sur une situation de cyberviolence pour les 3e. On pensait que tout allait bien depuis, et puis un jour une jeune fille m'a montré son mur Facebook sur lequel j'ai découvert énormément d'insultes trash, à caractère sexiste. Cela montrait que si ce que nous faisions marchait à l'école, cela ne fonctionnait plus dès que les élèves passaient le portail et se retrouvaient sur les réseaux.
Avec l'appui du label Respect Zone (association qui lutte contre la cyberviolence et la haine sur Internet) on a alors eu l'idée des 'élèves ambassadeurs'. Ils ne sont pas médiateurs, puisque s'il y a crise c'est l'affaire des adultes, mais ils organisent des sessions de prévention, au sein de l'établissement, mais aussi dans d'autres collèges ou lycées, et rencontrent des structures de quartiers, pour qu'il y ait une cohésion sur le territoire.
"Après le Blue Whale Challenge, l'appli Sarahah"
Avec ce dispositif que nous avons mis en place, nous avons des relais. Si des élèves voient des choses inquiétantes sur les réseaux sociaux, ils viennent en parler aux adultes. Il y a deux ans, par exemple ils sont venus nous parler du Blue whale challenge (50 défis à remplir dont le dernier était de se suicider). Donc quand des élèves ont vu arriver ça, ils sont venus me voir. Grâce à ces lanceurs d'alerte, je peux lancer une alerte au niveau des personnels et des parents.
Depuis quelques temps, nous avons vu arriver l'appli Sarahah, dont plusieurs élèves ont déjà été victimes. Sarahah, c'est du cyberharcèlement anonyme à grande échelle, puisqu'en utilisant cette appli on peut envoyer un message anonyme à tout le réseau qu'on a sur Snapchat et Instagram. Des élèves reçoivent ainsi des insultes, des moqueries, sans savoir d'où ça vient, et sans savoir non plus qui a reçu les commentaires. Ça peut être compliqué pour eux de retourner à l'école, et cela peut entraîner du décrochage ou de l'absentéisme. Après les alertes de nos ambassadeurs, nous avons d'abord traité les situations de crise que cela avait engendrées, avant d'alerter les parents d'élèves, personnels et élèves.
"Il faut être sourd, aveugle ou menteur pour nier les problèmes de harcèlement"
Et si ça fonctionne ici, c'est parce que chaque adulte est formé et connaît les procédures, donc l'enfant peut venir voir l'adulte de son choix en qui il a confiance, lui confier son problème, et l'adulte saura quoi faire. Ça ne peut pas être que l'affaire de la CPE et de l'infirmière scolaire. Ici les surveillants, les agents, les auxiliaires de vie scolaire, les professeurs… tout le monde sait comment agir face çà une situation de cyberviolence.
Un chef d'établissement doit être sourd, aveugle ou menteur pour dire qu'il n'y a pas de problèmes de harcèlement dans son école. Il y en a partout. Et moi, malgré tout ce que l'on fait, j'ai toujours des cas de cyberviolence. Il faut lutter contre sans arrêt, c'est un travail de fourmi quotidien."