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Grenoble: la CAF de l'Isère s'attaque aux allocations des trafiquants de drogue

Les caisses d'allocations familiales (illustration)

Les caisses d'allocations familiales (illustration) - PHILIPPE HUGUEN © 2019 AFP

En travaillant avec le parquet de Grenoble, la CAF de l'Isère entend couper ou réduire les aides sociales des délinquants condamnés pour trafic de stupéfiants. La démarche est pointée du doigt par la Ligue des Droits de l'Homme.

C'est une initiative inédite en France. La CAF de l'Isère veut frapper les trafiquants de drogue au portefeuille en leur coupant les aides sociales, en travaillant conjointement avec le parquet de Grenoble.

Lorsqu'un dealer est condamné, la justice envoie l'intégralité du dossier à la CAF. Nombre d'ayants droit, revenus, gains liés au trafic de drogue... Avec toutes ces informations, les allocations sont recalculées. Et la CAF peut même demander un remboursement en cas de grop-perçu.

Au total, 55 dealers ont déjà vu leurs prestations sociales largement entamées. La CAF du département se félicite de lutter contre les fraudes et deux individus condamnés ont déjà reçu des pénalités de 3.000 euros.

Elle est d'autant plus satisfaite que ce dispositif intervient alors que la ville de Grenoble est touchée par une guerre des trafiquants de drogue. Les règlements de compte se multiplient : une fusillade s'est déroulée à Echirolles, près de Grenoble, le 21 août.

Un dispositif contraire à la Constitution ?

Cette idée est régulièrement évoquée dans le débat politique. Deux propositions de loi ouvrant la porte à une perte des prestations sociales et de logement pour les condamnés et leurs ayants droit ont été portées par Les Républicains en 2011 et 2023. Mais elles n'ont jamais vu le jour.

Selon Evelyne Sire-Marin, magistrate et vice-présidente de la Ligue des Droits de l'Homme, ce dispositif est toutefois contraire à la Constitution. Elle fustige "une punition collective".

"Si vous faites ça, certes il y a une personne délinquante dans la famille, mais vous supprimez les allocations familiales aux enfants qui n’y sont pour rien et au conjoint qui n’est pas condamné", dénonce-t-elle.

La Ligue des Droits de l'Homme avait déjà exprimé son opposition à une proposition de loi du Rassemblement national de "supprimer ou de suspendre les allocations familiales des parents des mineurs criminels ou délinquants" en octobre 2023.

Pour l'instant, ce dispositif n'en est qu'à ses débuts en Isère. Mais la direction des affaires criminelles l'a déjà inscrit dans ses "bonnes pratiques" à destination des autres parquets de France.

Caroline Renaux avec Mélanie Hennebique