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"Le crime organisé est enkysté": à Grenoble, la difficile lutte contre le trafic de drogues après un été meurtrier

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Au cours du mois d'août, les violences liées au narcotrafic se sont accélérées à Grenoble. Frédéric Ploquin, spécialiste du grand banditisme, analyse auprès de RMC cette recrudescence sur un territoire déjà largement conquis par la criminalité.

L'été fut meurtrier pour Grenoble. Un mort, une dizaine de blessés et au moins sept fusillades ont été comptabilisés depuis moins d'un mois dans la ville et ses environs. Si une recrudescence des violences a bien été constatée, celles-ci se déroulent surtout sur un territoire où elles sont fréquentes depuis de nombreuses années, explique Frédéric Ploquin, grand-reporter et spécialiste du grand banditisme.

"La violence, dans la région grenobloise, en matière de trafic de stupéfiants et dans les quartiers, est endémique depuis des décennies. Ce n'est pas quelque chose qui surgit comme ça", raconte-t-il à RMC.

Il faut dire que la ville de Grenoble dispose d'un contexte et d'une histoire particulière. "C'est un lieu où le crime organisé est enkysté depuis des décennies avec une vraie tradition, une vraie histoire, une influence locale de la mafia italienne, un milieu qui s'appuie à la fois sur Lyon d'un côté, et le sud de la France de l'autre", énumère-t-il.

Sans compter la présence de la jeunesse et de l'afflux de touristes dans la région chaque hiver pour rejoindre les stations de ski. Le business de la drogue y est alors installé et florissant.

Des opérations "Place nette" à l'efficacité provisoire

Qu'en est-il des événements des derniers mois et de leur lien avec la situation ? D'abord, le olympiades ont fait un temps oublier ces violences. "Les JO ont étouffé le bruit des balles, mais ils n'ont pas éteint le feu de la drogue", résume Frédéric Ploquin.

Ensuite, les multiples opérations "Place nette", lancées par Emmanuel Macron pour lutter contre le trafic de stupéfiants, ont apporté leur lot de conséquences. Eric Vaillant, procureur de Grenoble, estime d'ailleurs que la situation grenobloise est aujourd'hui digne de celle que l'on retrouve à Marseille, et qu'elle est le fruit de ces opérations de l'Etat.

"Lorsque vous réalisez une opération Place nette, vous nettoyez, vous mettez en prison un certain nombre de personnes. C'est provisoire. Cela va être 'propre' quelques jours et la drogue va revenir", explique Frédéric Ploquin.

Un système sans fin

S'il affirme qu'il serait faux de dire que ces opérations sont inutiles, l'auteur de "Les narcos français brisent l’omerta" raconte que la complexité de ce dossier relève surtout de son système.

"A partir du moment où vous mettez des dizaines de personnes en prison, elles continuent à s'accrocher à leur business depuis leur cellule, mais comme ils ne sont plus là, la génération suivante tente de s'installer", détaille le grand-reporter.

Les personnes emprisonnées ont alors deux solutions, "ils peuvent recruter des tueurs et faire le ménage" ou "s'appuyer sur des seconds" pour maintenir leur terrain. Frédéric Ploquin estime alors que les propos du procureur de Grenoble sont exacts lorsqu'il affirme que les opérations Place nette "déstabilisent les équipes en places" et génère plus de violences.

A Nîmes (Gard), un an après la mort de Fayed, 10 ans, tué par une balle perdue alors qu'il se trouvait dans une voiture avec son oncle, un poste de police devait ouvrir dans le quartier Pissevin. 24 heures plus tard, un incendie s'est déclaré à proximité, forcant sa fermeture. Si l'origine du sinistre est incertaine, l'éventualité d'un coup des narcotrafiquants et une hypothèse étudiée.

"Sur le papier, c'est plausible", assure Frédéric Plauquin, "ça nous rappelle bien que la guerre contre la drogue ne peut pas être gagnée, c'est une histoire de conquête permanente".

Mélanie Hennebique