"La vie à la campagne est plus compliquée qu'il y a 30 ans": les ruraux de plus en plus isolés

Une étude publiée ce jeudi par l'Institut Terram et l'association Chemins d'avenirs s'intéresse aux jeunes des campagnes, longtemps hors des radars politiques et médiatiques mais qui représentent 26% des 15-29 ans.
Les 18 ans et plus issus de communes très peu denses passent ainsi en moyenne 2h37 par jour dans les transports, notamment pour étudier en ville, soit 42 minutes de plus que les jeunes urbains. Ces temps de transport s'ajoutent aux journées d'étude, ce qui réduit drastiquement leur temps libre pour d'autres activités, relèvent les auteurs.
Un peu moins de la moitié des ruraux veulent rester à la campagne
Près de la moitié (48%) de ceux interrogés par l'Ifop souhaite rester à la campagne, alors que 41% des jeunes urbains préfèrent rester en ville. Plus le niveau de vie est élevé, plus la volonté de rester est forte.
"La vie à la campagne est plus compliquée qu'il y a 30 ans", a concédé ce jeudi sur RMC Laurent Chalard, géographe spécialiste des dynamiques démographiques en France, dans Estelle Midi. L'universitaire a notamment pointé une "détérioration" de l'offre de services dans les campagnes" du fait du "désengagement de l'Etat".
Laurent Chalard rappelle ainsi que les politiques publiques étaient plus favorables aux campagnes il y a 30 ans avec "la création d'infrastructures routières, autoroutières et le plan Université 2000 et la création d'IUT permettant aux jeunes d'étudier dans des villes pas loin de chez eux".
"Les services publics sont de plus en plus difficiles à trouver, comme une poste ou une maternité pas loin de chez soi", relève Laurent Chalard.
Le géographe rappelle par ailleurs le développement ces dernières années des métropoles, "des structures administratives qui ont de plus en plus de compétences", a contrario des communautés de communes. Il cite notamment le développement des transports en commun dans les grandes villes comme le Grand Paris express. "Quand on fait ça, ca veut dire qu'on ne fait rien dans les campagnes", expose-t-il.
Un constat partagé par le témoignage sur RMC dans Estelle Midi de Sami, enseignant, qui habite à la limite du Val-d'Oise et de l'Oise, depuis 12 ans. "Je suis absolument dépendant de ma voiture. Je suis obligé de prendre mon véhicule pour une baguette, la boulangerie la plus proche étant à 3km."
53% des jeunes ruraux s'estiment "mal desservis" par le bus, 62% par le train, selon l'étude de l'Institut Terram et l'association Chemins d'avenirs.
La voiture à la campagne, un gouffre financier
Mais la dépendance à la voiture, au delà du problème pratique, est devenu un problème financier. Avec la hausse des coûts de l'énergie, Sami explique ainsi que ses dépenses énergétiques (carburant et chauffage) sont supérieurs à son emprunt immobilier. "Je ne l'avais pas anticipé il y a 12 ans".
Selon l'étude de Institut Terram et l'association Chemins d'avenirs s'intéresse, Cette carence entraîne une dépendance quotidienne à la voiture pour 69% d'entre eux, faisant grimper à 528 euros leur budget "transports" mensuel, contre 307 euros pour les jeunes urbains.
Sami confie dépenser 400 à 500 euros par mois de carburant. L'enseignant envisage désormais "vouloir" revenir en ville, surtout que son fils deviendra étudiant à la rentrée. "Ca va être une grosse difficulté pour lui d'aller à Paris".
Les campagnes urbaines tiennent mieux le choc que les campagnes isolées
Pour autant, Laurent Chalard rejette l'idée que vivre à la campagne serait un "enfer". "Les campagnes urbaines restent attractives pour ceux qui veulent avoir une maison et travailler en ville. La question, c'est les campagnes isolées, qui sont loin de toute métropole, comme dans la Haute-Marne ou la Meuse, où la situation y est dramatique", souligne-t-il.
Certains ne regrettent pas du tout leur départ de la ville. "J'en avais marre de la ville, la pollution, le bruit, les agressions. Je suis dans ma campagne, personne ne m'embête. J'ai tout", témoigne Bruno sur RMC dans Estelle Midi, qui habite dans un village de 890 habitants, à 30km d'une ville.
"Ce n'est pas parce qu'on n'est pas en campagne qu'on ne peut pas aller au cinéma. On peut se déplacer en voiture", relativise-t-il, concédant pour autant d'être dépendant de son véhicule pour aller travailler.