Régionales: pourquoi les sondages se sont (encore) trompés sur le score du Rassemblement national
C’est un plantage, et un plantage net. Tous les instituts de sondages ont annoncé pour le Rassemblement national des scores bien plus élevés que ceux obtenus dimanche. A en croire les sondages, le parti de Marine Le Pen devait obtenir 25% des suffrages, il en obtient finalement seulement 20%.
Il devait arriver en tête du premier tour dans six régions. Résultat, cinq mauvais pronostics sur 6. Il n’y a qu’en Provence-Alpes-Côte-d’Azur que le Rassemblement national est finalement arrivé en tête.
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Si on veut détailler un peu plus. Dans les Hauts de France, le candidat RN, Sébastien Chenu était donné à 35 ou 36 % par les deux derniers sondages. Il réalise finalement 23%, 12 ou 13 points de moins que prévu. En Ile-de-France, Jordan Bardella était annoncé à 20%, il termine à 13. En Rhône-Alpes-Auvergne, le candidat RN devait faire 23%, il a fait en fait 12%. Des écarts considérables bien au-dessus de ce qu’on appelle la marge d’erreur.
Comment les sondeurs l’expliquent-ils ?
Ils expliquent cette erreur par une autre erreur. Ils ont surestimé le Rassemblement Nationale parce qu’ils ont sous-estimé l’abstention. Tous les instituts avaient prévu une abstention record aux environs de 60%. Finalement, ce sont 66% des électeurs qui ne sont pas allés voter. Et apparemment ça change tout.
Parce que tous les partis ne sont pas touchés de la même façon. 73% des électeurs de Marine le Pen à la dernière présidentielle sont restés chez eux dimanche, contre seulement 44% des électeurs de François Fillon. Ceci explique cela.
Mais cela fait des années que les instituts de sondage ont du mal à prédire les scores de l'extrême droite. Cela a commencé par le séisme du 21 avril 2002 qu’ils n’avaient pas vu venir. Aucun sondage annonçait Jean-Marie le Pen au deuxième tour. Dans la dernière semaine, il était à 13 ou 14% et il a obtenu au premier tour 16,9% et ce sont 3 ou 4 points d’écart qui changeait tout.
À la présidentielle suivante en 2007, il s’est passé exactement l’inverse. Jean Marie le Pen était estimé à 14% de nouveau, et même à 16,5% dans un dernier sondage de l’institut CSA. Résultat, il n’a pas atteint les 10,5%. C’est l’année où Nicolas Sarkozy avait siphonné son électorat, ce que les sondeurs n’avaient pas vu venir.
À la présidentielle suivante, en 2012, encore raté pour les sondeurs. Marine Le Pen est annoncée à 14% elle fait 4 points de mieux à 18%. En 2017, c’est l’inverse. Les sondages de la dernière semaine lui prédisent 25%, elle fait 4 points de moins à 21%.
Un coup au-dessus, un coup en dessous
Bref, pour ne parler que de la présidentielle, cela fait 20 ans que les sondages font du yoyo par rapport aux résultats réels de la famille Le Pen.
Cela veut dire que les instituts de sondages n’ont jamais trouvé le bon “redressement.” C’est d’ailleurs une spécificité française. Cela ne se passe pas comme ça dans les pays anglo-saxons. En France, les chiffres bruts sont corrigés “à la main”, ou alors selon des calculs très savants et très secrets.
Au début des années 80, les sondeurs se sont aperçus que quand les chiffres bruts annonçaient 7% pour le Front national, il terminait à 14%. Parce que la moitié des sondés n’osait pas revendiquer leur vote FN. À l’époque, le redressement était facile à faire. Les intentions de vote du Front national étaient multipliées par deux par les sondeurs.
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Avec le temps, les choses ont changé, les sondés ont cessé d’avoir honte, et il n’a plus été nécessaire de corriger autant les chiffres bruts, et dimanche dernier pour la première fois, c’est l’inverse qui s’est produit : il y a eu une sur déclaration du vote du rassemblement nationale.
Pour être honnête, il faut ajouter que les sondeurs français sont sans doute parmi les meilleurs du monde. Ils n’ont pas connu un fiasco aussi important que celui des sondeurs américains par exemple. Qui avaient tous annoncé en 2016, une écrasante victoire d’Hillary Clinton contre Donald Trump. On connaît la suite.