RMC

Coronavirus: qu'est-ce que le "Conseil scientifique" qui guide la France durant cette crise sanitaire?

L'avis du conseil scientifique sur la prolongation du confinement au-delà de la période initiale de 15 jours est attendu ce mardi. Créé le 11 mars, ce conseil est, depuis, à l’origine de toutes les décisions importantes.

Depuis presque deux semaines, ce groupe de scientifiques a été consulté sur tous les choix dramatiques qu’il a fallu faire. Consulté et écouté à chaque fois.

Le mercredi 11 mars, le groupe est constitué. Le jeudi 12, il se réunit une première fois et ses membres tombent d’accord pour dire que si rien n’est fait, 50% de la population française sera infectée et que l’on comptera des centaines de milliers de morts. Ce premier avis a fait l’effet d’une douche froide à Emmanuel Macron, et il va tout changer.

A partir de cette date, les autorités politiques ne pourront plus dire qu’elles n’avaient pas été prévenues d’une possible catastrophe. Dans le même avis du 12 mars, le conseil suggère de fermer les écoles. Ce sera annoncé le soir même. C’est la première suggestion du conseil qui va changer nos vies quotidiennes.

Deux jours plus tard, le 14 mars, le conseil se réunit à nouveau pour suggérer la fermeture de tous les commerces. Il préconise la fermeture de tous les commerces non alimentaires, à part les pharmacies. Il demande la fermeture des théâtres, cinémas, salles de sport, piscines, bars et restaurants. Les scientifiques suggèrent de laisser ouverts les bureaux de tabac, sans expliquer pourquoi. Il demande aussi le maintien des transports urbains, bus et métros ainsi que des stations essence.

Le soir même, Edouard Philippe annonce à la télévision la totalité de ces mesures sans rien changer. Dans ce même avis du 14 mars. Le conseil écrit également ceci: "Avec Humilité et gravité, nous considérons que l’on peut maintenir le premier tour des élections municipales". On sait que ce conseil aussi a été écouté.

C’est aussi le conseil scientifique qui a ensuite proposé le confinement. Le lundi 16 mars, à 17h, les scientifiques se réunissent de nouveau et proposent le confinement de tous les Français à la maison, et le plus vite possible. Trois heures après seulement, Emmanuel Macron annonçait ce confinement pour le lendemain midi. Encore une fois, les scientifiques ont été écoutés et suivis.

Un comité formé de façon informelle

Pourtant ce conseil n’est qu’un comité consultatif, le gouvernement n’a aucune obligation de suivre ses avis. Ce comité a été formé de façon informelle après une première réunion improvisée le 6 mars à l’Elysée. Mais, ils ont pris l’initiative dès leur première réunion de rendre public le fruit de leur réflexion. Leurs avis sont en ligne sur le site du ministère de la Santé. Et c’est ce qu’il leur donne cette énorme influence. Quel ministre, quel président va maintenant oser ne pas suivre l’avis public de ces scientifiques qu’il a choisis? C’est la publicité des réunions qui donne un caractère officiel à cette instance qui ne l’est pas.

C’est Emmanuel Macron qui a choisi le président de ce comité Jean-François Delfraissy et c’est lui qui a ensuite choisi les autres membres. Ils sont onze, deux femmes et neuf hommes. Jean-François Delfraissy est un immunologue de 71 ans, spécialiste du sida et d’Ebola, ancien président du comité national d’éthique, habitué à être consulté sur les questions sensibles.

Il s’est entouré de trois spécialistes des maladies infectieuses. Le désormais fameux professeur Didier Raoult de Marseille qui n’a pas sa langue dans sa poche et qui conteste certaines des décisions prises, le professeur Yazdan YazdanPanah de Bichat qui a accueilli le premier malade chinois en France et Didier Malvy qui a reçu et guéri le premier malade français à Bordeaux.

Le comité compte aussi un spécialiste de de la grippe, le Lyonnais Bruno Lima, un épidémiologiste de l’institut pasteur, une réanimatrice de l'hôpital Bichat, Lila Bouadma, un généraliste, médecin de ville, un modélisateur, c'est-à-dire un spécialiste des chiffres et des scénario. Le conseil compte aussi un sociologue et une anthropologue, Laëtitia Atlani-Duault, spécialiste notamment du combat contre les rumeurs en temps de crise. 11 grosses têtes, qui doivent toutes être à Bac +10. Mais surtout un comité qui rassemble des compétences très différentes et très complémentaires.

Ils travaillent énormément. De 6 heures le matin à 1 heure le soir en moyenne. Ils se réunissent plusieurs fois par jour en visioconférence, ou bien physiquement au ministère de la Santé. Ils sont saisis par le ministre qui leur pose des questions, mais ils peuvent aussi s'autosaisir de toute question qui leur semble importante. Ils sont libres et indépendants. Par exemple, Jean-François Delfraissy a déjà dénoncé le fait que l’on ne fasse pas assez de tests en France. Ce qui a, paraît-il, beaucoup déplu au président.

Mais ils sont libres et indépendants et en ce moment, ils ont certainement plus de pouvoir et d’influence que le conseil des ministres. Et tout cela bénévolement, car ils ne gagnent pas un centime.

Nicolas Poincaré