Des médecins appellent à la désobéissance contre la suppression de l'AME: "Ça reviendrait à trier les patients"

Quelque 3.500 médecins ont signé, depuis samedi, une pétition contre la suppression de l'AME (aide médicale d'Etat). Une suppression adoptée par le Sénat lors des débats autour de la loi immigration. Ce dispositif permet aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d'une prise en charge à 100% de leurs soins médicaux dans la limite des tarifs prévus par la sécurité sociale.
Le ministre de la Santé Aurélien Rousseau a assuré ce dimanche comprendre ces médecins et que "le gouvernement se battra pour qu'ils n'aient pas à exercer de désobéissance civile".
Une suppression absurde pour Pascal Charbonnel, médecin généraliste et signataire de l'appel à "désobéir".
“Messieurs les politiques, prenez en compte ce que vous disent les hommes de terrain. Ils ne vous disent pas d'accueillir toute la misère du monde, ce n’est pas ça. Il y a des patients sur le territoire qui ont besoin de soins et moins on les soigne, plus ça va coûter cher. Moi, des patients qui ont l’AME, j’en vois un ou deux par jour au cabinet. Vous pensez vraiment que je vais leur dire ‘non restez dehors, je ne vais pas vous voir parce que je ne vais pas être payé’. Mais comment fait-on pour avoir derrière des médicaments, des examens de radio, de biologie qui vont nous permettre de les prendre en charge?” indique-t-il.
Pour le médecin Jérôme Marty, l'AME sert essentiellement à prendre en charge les patients tôt. "L'AME, elle est là pour qu'on puisse prendre les gens avant qu'ils arrivent en urgence. Par exemple, pour les maladies infectieuses, et notamment la tuberculose, il faut qu'on arrive à dépister ces gens avant qu'ils ne plombent tout le reste de la population. Si tu mets quelqu'un avec une tuberculose évoluée dans une rame de métro, il va plomber toute la rame de métro", pointe-t-il dans Les Grandes Gueules.
Compliqué de définir une urgence
Le Sénat a adopté la suppression de l'AME et l'a remplacée par une aide médicale d'urgence, centrée sur la prise en charge des soins urgents, des maladies graves, des douleurs aiguës, des soins liés à la grossesse ou encore des vaccinations.
“Une urgence reste très difficile à définir. Une douleur très importante, est-ce que c’est urgent à soigner? Il y a plein de situations où on aurait vraiment du mal. Et ça reviendrait à trier les patients dont on s’occupe et ceux dont on ne s’occupe pas. Ce qui est absolument contraire à notre vocation de médecin, qui est de donner des soins à toutes les personnes qui en ont besoin, proches de nous ou qui nous consultent", explique le professeur Antoine Pelissolo, chef du service psychiatrie du CHU Mondor à Créteil et à l'origine de la pétition, dans Charles Matin sur RMC.
Et comment cette menace de désobéissance des médecins pourrait-elle se traduire concrètement? "Il y a une part un peu symbolique autour de ce mot, explique le Pr Pelissolo. Tout dépend du mode d'exercice du médecin. Des médecins peuvent décider de soigner gratuitement, et donc dans ces cas-là, ce serait à leurs frais. Ou alors dans le système public, à l'hôpital, on pourrait recevoir des personnes sans les déclarer à la sécurité sociale. On espère que ce ne sera pas le cas."