"J’ai perdu ma fille à cause de gens sans scrupule": les dérives sectaires dans le viseur de l'Assemblée

Un projet de loi contre les dérives sectaires est débattu à partir de ce mardi à l'Assemblée nationale. Les signalements pour dérives sectaires se multiplient depuis l'épidémie de Covid. Au total, 4.020 ont été comptabilisés en 2021, c'est 86% de plus qu'en 2015 selon le dernier rapport de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Mivilude). Et près d'un quart de ces signalements concerne le domaine de la santé.
Le projet de loi, tel qu'il va être présenté aux députés, comporte deux nouvelles infractions: un délit de sujétion (article 1) et un délit de provocation à l'abandon d'un traitement lorsque celui-ci est bénéfique pour la santé (article 4).
"Ce qui est envisagé, mais c’est au Parlement d’en décider, c’est précisément de voir le moment où il y a un dénigrement et une provocation ensuite à rompre le traitement qui est suivi. Le domaine qui est le plus évident, c’est le cancer puisque plus de la moitié de nos signalements concernent le cancer. Et donc vous avez des personnes qui sont parfois désemparées, désespérées et qui tombent entre les mains de personnes qui portent ensuite atteinte à leur santé compte tenu de leur comportement", indique ce mardi matin sur RMC, Donatien Le Vaillant, chef de la Miviludes.
C'est justement la situation qu'a connue Marie. Elle raconte à RMC l'agonie de sa fille Dominique, dont le cancer a été diagnostiqué en 2019. “J’ai perdu ma fille à cause de gens sans scrupule”, confie-t-elle. Plus qu'aux médecins de l'hôpital, sa fille fait d'abord confiance à une numérologue et plusieurs naturopathes.
“Pendant trois mois, elle n’a rien fait, sinon se faire soigner par des espèces de vitamines. Dans le cancer, le temps compte énormément. Elle a perdu sa chance”, indique Marie.
Des textes de loi difficiles à mettre en œuvre
Et Dominique s'est isolée, sous emprise, répète sa mère. “Elle était pourtant ingénieur. Mais ça n’a servi à rien tout ça. Je ne pense qu’à elle jour et nuit”, confie-t-elle.
Reste la culpabilité et l'espoir suscités par ce projet de loi porté par Brigitte Liso à l'Assemblée nationale. Les textes actuels sont difficiles à mettre en œuvre, souligne la députée.
“À l’heure actuelle, les condamnations pour abus de faiblesse sont de 10 à 15 par an. On est très, très loin du nombre de signalements. On n’est pas suffisamment armé face à ce fléau”, juge-t-elle.
Abus de faiblesse, exercice illégal de la médecine, pratique commerciale trompeuse… Plusieurs délits existent déjà, mais aucun n’est spécifique à l'emprise mentale. Le délit de provocation à l'abandon d'un traitement doit simplifier en quelque sorte le travail des magistrats.