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MeToo à l'hôpital: "Les mentalités ont du mal à changer avec le contexte carabin et l’excuse de l’humour"

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Alors qu'une vague de témoignages déferle sur les violences sexuelles à l'hôpital, Coraline Hingray, psychiatre au CHRU de Nancy, et vice-présidente de l'association "Donner des elles à la santé", estime que les mentalités ont du mal à évoluer. La raison? Le contexte carabin et l'atmosphère grivoise prégnants dans le monde de l'hôpital avec "la fameuse excuse de l'humour".

Après le cinéma, les médias et l’armée, les témoignages se multiplient dans le milieu hospitalier. Avec le hashtag #Metoo hôpital, des professionnels de santé dénoncent les agressions sexuelles et les remarques déplacées dans le monde la santé notamment dans les hôpitaux.

Un raz-de-marée qui survient après les accusations de l’infectiologue Karine Lacombe contre le célèbre urgentiste Patrick Pelloux. La praticienne l'accuse dans Paris Match d’être un "prédateur" sexuel alors que ce dernier assure n'avoir "jamais agressé personne", reconnaissant avoir été "grivois" par le passé.

Aujourd'hui, les voix s'élèvent contre ce climat "grivois" et l'"hypersexualisation" qui règnent à l'hôpital. "Rien ne nous surprend, on fait des baromètres depuis 4 ans avec des chiffres absolument incroyables", alerte ce mardi sur RMC et RMC Story Coraline Hingray, médecin psychiatre au CHRU de Nancy, et vice-présidente de l'association "Donner des elles à la santé".

"8 femmes médecins sur 10 ont été victimes de violences sexistes et sexuelles à l'hôpital, dont 1 sur 3 avec des gestes, attouchements ou agressions sexuelles", poursuit la praticienne.

"Il y a un rapport à l'intimité et au corps très compliqué avec la fameuse excuse de l'humour"

"La domination masculine et la surreprésentation des hommes est toujours extrêmement liée à la question des violences sexistes et sexuelles et à l'hôpital, on un a vrai retard", poursuit Coraline Hingray même si les choses se sont légèrement améliorées avec le déclenchement de la vague #Metoo.

Si l'hôpital a du retard, c'est peut-être en raison du climat "grivois" évoqué par Patrick Pelloux justement. "Les mentalités ont du mal à changer en raison du contexte carabin où il a toujours eu énormément de sexualisation, d'humour grivois", note Coraline Hingray évoquant les fresques qui ornent de nombreuses salles de garde d'hôpitaux publics.

"Il y a un rapport à l'intimité et au corps très compliqué avec la fameuse excuse de l'humour: 'on a besoin de décompresser, on côtoie la mort', ce qui explique une pérennisation de ces comportements même s'ils sont en décroissance", poursuit la médecin psychiatre.

"Dans ma génération (43 ans), on a toutes été soumises à des réflexions autour de notre physique, sur nos tenues, des gestes déplacés", témoigne la praticienne.

Témoin RMC : Pr Coraline Hingray - 16/04
Témoin RMC : Pr Coraline Hingray - 16/04
6:08

"Omerta"

Caroline Hingray déplore des faits minimisés et banalisés. Pour inverser la tendance, elle plaide pour changer les mentalités en misant sur la formation, l'éducation et la sensibilisation pour "sortir de l'impunité", alors que de nombreuses victimes craignent des effets sur l'évolution de leur carrière si elles dénoncent certains faits.

"Il y a une omerta chez les professionnels mais aussi chez les étudiants qui ont une pression supplémentaire", constate Pauline Baron présidente de la FNESI, la Fédération Nationale des Etudiants en Sciences infirmières. "On a déjà accompagné des étudiants qui après avoir témoigné ont été convoqués et exclus de leur formation"

Encore aujourd'hui malgré la vague #Metoo, de telles pressions ont lieu assure-t-elle: "Des étudiants ont témoigné et sont aujourd'hui convoqués pour voir ce qu'ils vont dire et si ça ne peut pas porter préjudice à l'établissement", assure Pauline Baron.

Guillaume Dussourt Journaliste BFMTV-RMC