Que ceux qui disent que c'est possible de nourrir tout le monde en bio me le démontrent

Pulvérisation de produits phytosanitaires dans un verger (photo d'illustration) - Boris Horvat - AFP
Daniel Sauvaitre est arboriculteur et viticulteur en Charente. Avec des associés, il exploite 80ha de vergers de pommes et 75ha de vignes. Il préside l'Association Nationale Pommes Poire (ANPP). Il est également maire (Les Républicains) de Reignac et candidat aux législatives dans la 2e circonscription de Cognac.
"On a besoin des pesticides. Les plantes cultivées sont exposées aux maladies et aux ravageurs, et toute l'histoire de l'agriculture a été justement de pouvoir les contrer pour avoir des récoltes de qualité. Quelle serait la production agricole française aujourd'hui sans ces produits? On dit que la France est le premier pays consommateur de pesticides en Europe. Mais si on compare avec la surface agricole et la quantité produite, nous sommes plutôt au septième rang.
Que l'on soit en agriculture conventionnelle ou en bio, on utilise des produits de protection des plantes. On a d'un côté des produits issus de la chimie de synthèse et de l'autre des produits naturels comme le souffre, des extraits de plantes… Ces produits naturels, je les utilise à grande échelle pour me protéger des insectes, des acariens ou des pucerons. Simplement, j'utilise en plus un ou deux produits issus de chimie de synthèse qui sont pour moi plus intéressants. Ils ont une sélectivité, ils contrôlent mieux une cible sans poser problème à la faune auxiliaire, qui m'est très utile également pour contrôler ces mêmes pucerons.
"On ne pulvérise pas par plaisir, loin de là"
D'ailleurs, les produits on fait beaucoup de progrès de ce côté-là, ce qui permet de moins en utiliser. Et il y a moins de matières actives dans ces produits chimiques, grâce aux nouvelles homologations. Ainsi, pour un même produit, nous avons un tiers de matières actives en moins par rapport à il y a 15 ans. Cette hantise des pesticides, c'est un sujet sensible. Mais on peut tout de même imaginer que les chercheurs qui ont mis au point ces processus d'homologation des produits n'ont pas tous des mauvaises intentions pour la société.
Le fait qu'il y ait cette pression sociétale, cette demande d'arrêt d'utilisation des pesticides, a mis un coup d'accélérateur aux arboriculteurs et à nos chercheurs pour trouver des solutions alternatives et limiter au maximum l'utilisation des produits phytosanitaires. On ne pulvérise pas par plaisir, loin de là.
"Qu'est-ce que j'aimerais me passer totalement des pesticides "
Nous sommes les premiers demandeurs pour que la recherche et l'innovation trouvent des solutions pour produire en recourant moins aux pesticides. Ce n'est pas une question de bonne ou mauvaise volonté de l'agriculteur, mais de capacité technique à s'en passer. Qu'est-ce que j'aimerais me passer totalement des pesticides et je m'y emploie chaque jour!
Tous les agriculteurs demandent qu'on les aide à trouver des solutions pour réduire l'utilisation des produits phytosanitaires. On a beaucoup de progrès à faire, mais pour qu'ils soient faits, au-delà des règlementations, il faut surtout donner des moyens à la recherche de nous aider.
Mais j'aimerais que ceux qui disent que c'est possible de nourrir tout le monde en bio me le démontrent. J'aimerais qu'un groupe de scientifiques - de ceux qui s'expriment pour dire qu'on peut faire mieux sans pesticides -, créent une grande exploitation comme laboratoire. Croyez-moi, nous nous presserions tous pour aller voir comment changer nos méthodes. On a besoin qu'on nous explique comment faire."