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Santé

Sept ans après la mort de son bébé, son combat judiciaire continue: "il y a un mépris total de la vie de notre fille"

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- - Elisa Meyer

En juin 2010, à l'hôpital de Thann (Haut-Rhin), Zoé, âgée de deux jours s'est étouffée à cause d'un bandeau obsolète mis sur les yeux. Mise sous assistance respiratoire, elle décédera une semaine après. Sept ans après le décès de sa fille, Elisa Meyer réclame toujours justice. Le tribunal de grande instance de Mulhouse a prononcé l'extinction des poursuites en décembre. Alors qu'une nouvelle audience est prévue en septembre, elle lance une pétition pour médiatiser son cas.

Elisa Meyer, mère de la petite Zoé, décédée en juin 2010 après s'être étouffée avec un bandeau obsolète mis sur ses yeux:

"Le 1er juin 2010, ma fille aînée, Zoé, âgée de deux jours, a été placée en couveuse pour une jaunisse tout à fait bégnine. On lui a placé un bandeau sur les yeux, dont le port était interdit depuis déjà deux ans. Elle a ensuite été laissée seule, sans surveillance, pendant au moins cinquante minutes. Il n'y avait pas de personnel dans la pouponnière et celle-ci était fermée à clef. Personne ne pouvait entrer… Quand le personnel est enfin revenu, Zoé était en arrêt cardio-respiratoire, dans un état extrêmement grave, parce que le bandeau avait glissé sur le nez et la bouche de Zoé, l'empêchant ainsi de respirer.

Le lendemain, les médecins nous ont annoncé que Zoé serait soit un légume, c’est-à-dire qu'elle ne pourrait jamais lire, boire, manger toute seule, conduire…, soit qu'elle allait vivre quelques jours sous assistance artificielle et que l'on devait leur dire quand, nous parents, on se sentirait prêts à la laisser partir. On a décidé de la garder un maximum auprès de nous même si elle devait être handicapée toute sa vie. On allait donc la voir tous les jours jusqu'au 9 juin 2010, jour où on l'a débranchée. Ma petite fille est morte dans mes bras…

"C'est extrêmement choquant"

Suite au décès, le procureur de la République a ouvert une enquête pour connaître les causes de la mort de Zoé. Il y a de nombreuses expertises médicales qui ont prouvé que Zoé était bien morte par étouffement. L'hôpital, de son côté, certifiait que notre enfant était mort d'une mort subite du nourrisson. Ils ont totalement manqué de décence, d'humanité. C'est extrêmement choquant.

Pourtant, nous avions pris une photo de Zoé dans la couveuse, prouvant qu'elle portant bien un bandeau. Cette photo, nous l'avons montrée lors d'une expertise médicale à Paris ce qui a forcé l'équipe hospitalière de Thann à reconnaître leur responsabilité, après avoir nié pendant deux ans. Mais ils ont essayé de l'amoindrir en disant qu'ils avaient mis le bandeau par bienveillance. Mais si c'était par bienveillance, pourquoi ont-ils menti? Ils auraient dû le dire tout de suite qu'ils avaient fait une faute. Alors que, non, ils ont d'abord nié et ensuite ils ont essayé de s'en sortir en donnant des arguments stupides tels que la bienveillance. Parce que quand on est bienveillants, on ne met pas un bandeau interdit depuis deux ans sur le visage d'un nourrisson. C'est ubuesque. On ne peut pas entendre ça.

Le 14 novembre 2016, une audience correctionnelle a eu lieu au tribunal de grande instance de Mulhouse. Pendant plus de deux heures, on a évoqué tous les vices de procédure du dossier plutôt que de parler de la mort de ma petite fille. C'était extrêmement choquant à vivre. D'autant plus choquant que ce jour-là, l'hôpital de Thann n'a pas jugé utile d'assister à cette audience. Il n'y avait qu'un représentant de l'ARS Alsace (Agence Régionale de la Santé, NDLR) car elle aussi a été poursuivie pour d'autres manquements.

"C'est usant, fatigant, atroce à vivre au quotidien"

Le 15 décembre, le tribunal a rendu son verdict et prononcé l'extinction des poursuites pour vice de forme. Mais aussi parce qu'entre temps, l'hôpital de Thann a été absorbé dans un groupement (GHRMSA) et que l'ARS Alsace, quant à elle, a été absorbée dans l'ARSAcal. Résultat: aucun des prévenus n'existait plus juridiquement lorsque le jugement a été prononcé. Ils ont tout fait pour faire traîner la procédure. Plus de six ans, c'est extrêmement long. C'est usant, fatigant, atroce à vivre au quotidien pour la famille. Parce qu'on est sans cesse dans cette histoire. On a quand même fait appel de la décision et le parquet aussi. La prochaine audience aura lieu le 14 septembre prochain et nous demandons que l'affaire soit jugée sur le fond et non sur la forme et donc que l'on évoque également les fautes du personnel.

Ils se conduisent comme des gens qui n'ont aucune éducation. Il y a un mépris total de la vie de notre fille, de notre douleur mais surtout de sa douleur. Un étouffement n'est pas une mort comme une autre. C'est insupportable. Je vis dans une violence intérieure, je me réveille la nuit, j'ai quand même tenu ma petite fille dans mes bras jusqu'à son dernier souffle. Ils nous font vivre un enfer. Ce sont des personnes abjectes, qui n'ont pas de conscience. L'erreur est humaine mais il faut l'assumer. Eux piétinent des vies humaines, c'est écœurant."

Un pétition est en ligne sur change.org. Pour la signer, c'est ici 

Propos recueillis par Maxime Ricard