Vers une taxe anti-cigarette électronique? Les tabacologues s'étranglent: "Essentiel pour sortir du tabac"

Taxer les cigarettes électroniques? Plusieurs amendements ont été déposés en ce sens dans le cadre du projet de budget 2025. Avec pour objectif: taxer le vapotage de près de 40%. Le sujet est porté par le député centriste Charles de Courson notamment, qui propose de créer "une fiscalité dédiée aux produits de vapotage" qui étaient pour l’instant soumis à une simple TVA. Son amendement doit être examiné ce jeudi ou vendredi.
Sa poposition prévoit une taxe de 0,15 euro par millilitre de liquide qu’on insère dans les cigarettes électroniques. En fonction de la taille et de la marque des fioles de liquide de vapotage, l’instauration d’une telle taxe ferait bondir le prix de près de 40%.
Une proposition qui vise à rapporter 150 à 200 millions d’euros tout en freinant une pratique en expansion. Car encore aujourd'hui, 3,5 millions de Français vapotent quotidiennement.
"Des bêtises sur le plan sanitaire"
Mais tabacologues comme consommateurs s’y opposent. La cigarette électronique de Nathalie est quasiment une extension de son bras depuis un an et demi. Alors cette mesure, ça ne l'enchante pas: "S'il y a un taxage, ça va être un peu dur quand même 40%. J'espère pas reprendre à cause des taxes!"
Une augmentation qui pourrait aussi rebuter ceux qui cherchent à arrêter le tabac, à commencer par les jeunes comme Lola, 23 ans, vapoteuse depuis 3 mois: "J'ai arrêté de fumer pour le prix qui augmentait tous les ans".
"Ça peut être un frein sur le long terme vu que je suis étudiante et que c'était le bon raccourci pour pouvoir continuer à fumer à moindre coût", s'interroge-t-elle.
Jusqu'ici les produits liés aux cigarettes électroniques étaient épargnés par les taxes. Les professionnels du secteur ne sont donc pas surpris, et voient bien l'intérêt économique de l'État. Mais cet argument ne suffit pas, s'agace le tabacologue Bertrand Dautzenberg: "Taxer les produits de vapotage sera une très bonne idée le jour où il y aura plus de vapotage en France. Ce sont des bêtises sur le plan sanitaire. C'est une mesure pour favoriser le tabac."
Le spécialiste cite l'exemple de l'Italie, qui a très fortement taxé en 2015 les articles de vapotage. Avec, d'après les estimations, plus de 100.000 nouveaux fumeurs à la clé.
"L'aide la plus réputée pour arrêter de fumer"
Un avis largement partagé par Marion Adler, médecin tabacologue à l’hôpital Antoine Béclère de Clamart (Hauts-de-Seine), invitée sur RMC et RMC Story ce mercredi matin. Selon elle, cette mesure vise injustement ce qui apparaît comme une aide pour sortir du tabagisme: "Je le vois chez mes patients, énormément sont aidés par la vapoteuse ou cigarette électronique pour arrêter de fumer donc c’est très très important qu’on continue à aider les fumeurs à sortir du tabagisme". Comme elle le rappelle, le remboursement des substituts de nicotine, pris en charge depuis 2019 par l'Assurance Maladie, est "une très bonne chose" mais il faut aller plus loin.
"C’est une maladie chronique. C’est important d’aider avec tout ce qu’il faut et tout ce qui est approprié. C’est très important de continuer à favoriser l’arrêt du tabac chez ces fumeurs. Une grande partie d’entre eux préfère la cigarette électronique à tout traitement, toute aide et c’est ce qu’on voit sur les études scientifiques", précise-t-elle.
Selon une étude Cochrane, ce qui est le plus choisi pour l’arrêt du tabac, c'est bien la cigarette électronique, développe la tabacologue, car "ça permet au fumeur un arrêt agréable. C’est essentiel que ce soit agréable pour en sortir et être heureux non fumeur". Il ne faut donc, selon elle, pas taxer "ce qui est l’aide la plus réputée pour en sortir".
L'Angleterre, meilleure élève
A côté de ça, aucun amendement ne propose d'augmenter le prix du tabac directement. De quoi agacer Marion Adler: "C’est totalement aberrant". Elle prend l'exemple de nos voisins anglais "où le taux de tabagisme est bien inférieur au nôtre": "Ce qui a marché, ce sont les politiques de santé publique, d’augmentation majeure du prix du tabac. Le prix là-bas n’a rien à voir avec le nôtre". Une mesure dont la France devrait prendre exemple.
"Clairement ça dissuade les gens d’aller vers la cigarette, et surtout ça les persuade de commencer à s'en sortir. Il y a des aides à disposition des gens et la cigarette électronique est accessible".
L'influence des lobbys
Les amendements pourraient alors être dictés par un lobbying de l'industrie du tabac? Jean Moiroud, le président de la fédération interprofessionnelle de la vape (Fivape), ne rejette pas l'idée. Tout comme Marion Adler: "On se pose vraiment des questions. Comment ça se fait que le prix du tabac n'ait pas augmenté clairement? Ça rapporterait beaucoup plus".
"Toute cigarette est toxique, donc trop ou pas trop, de toute façon fumer c’est toxique pour la santé. Augmenter le prix du tabac de manière efficace et qui permette de rapporter à l’Etat ce dont il a besoin, ce serait peut-être une meilleure solution".
Elle rappelle pour conclure qu'il y a eu une nette diminution du tabagisme à partir du moment où la cigarette électronique est arrivée sur le marché: "Il ne faut pas négliger cette aide". Selon Santé Publique France en 2022, près de 6 fumeurs quotidiens sur 10 souhaitent arrêter de fumer.