Vivre avec le VIH: "après trois rendez-vous galants, je l'ai annoncé à un de mes partenaires"

- - AFP
Julien, 44 ans, est séropositif depuis 17 ans:
"J'ai découvert que j'étais séropositif assez bizarrement. Je suis allé me faire dépister parce que mon meilleur ami m'a appelé un jour en me disant qu'il avait le VIH. Ça m'est tombé sur la tête, je me suis dit que le VIH rentrait dans ma vie.
J'ai fait le test et il était positif. Ce n'était pas une surprise pour moi. Ça faisait 10 ans que j'utilisais des préservatifs. Et en 2000, ça faisait deux ans que la trithérapie existait. Moi, j'avais une vraie fatigue par rapport à la capote et je pense que les gardes fous sont un peu tombés quand la trithérapie est arrivée. Je pense que j'ai fait moins attention, et donc j'ai été contaminé. Bizarrement, ça a été un soulagement. Quand on vit avec le risque d'attraper le VIH pendant que des gens meurent du VIH, on vit avec une épée de Damoclès. Et là cette épée de Damoclès disparaissait.
Je me suis dit 'tu l'as, il existe des traitements, au moins pour maîtriser le virus donc tu vas pouvoir prendre soin de toi et continuer à vivre'.
"On ne sait pas à qui le dire, à qui ne pas le dire"
Mon corps s'est fait assez rapidement à la trithérapie. Ce qui est plus bizarre c'est que quand on est gay et que l'on a fait son coming-out, être séropositif, c'est retourner dans le placard. C’est-à-dire à nouveau, on vit avec quelque chose que l'on cache. On ne sait pas à qui le dire, à qui ne pas le dire. Moi j'ai fait le choix de ne pas le dire à ma famille ou à mes parents pour ne pas les inquiéter. J'ai voulu les protéger. On apprend à vivre avec ce petit secret. La routine se met en place, on prend son traitement tous les jours, ça rentre dans nos habitudes.
Dans les relations amoureuses, il n'y a pas de règle. J'ai tout essayé. J'ai essayé de le dire dès le premier soir, j'ai essayé de le dire directement, j'ai essayé d'attendre 2-3 semaines pour le dire, j'ai essayé en étant un peu dramatique, un peu dans le pathos, et puis je l'ai aussi dit en étant très positif. En fait, ça dépend énormément des personnes que l'on a en face et des informations dont elles disposent. Parce que la sérophobie existe. Moi je me suis aperçu que plus les personnes ont des informations sur le VIH, moins elles en ont peur.
Ce qu'on ne sait pas c'est qu'une personne qui est sous antirétroviraux, qui a une charge virale indétectable, ne peut quasiment plus contaminer d'autres partenaires. Mais on ne le sait pas encore suffisamment.
"Je comprends que ça puisse faire peur"
Ça m'est arrivé d'être rejeté, mais on encaisse. Ça fait avancer, comme on dit 'ce qui ne te tue pas te rend plus fort'. Après trois rendez-vous galants, je l'ai annoncé à un de mes partenaires. Il est parti réfléchir et puis il m'a dit qu'il ne pourrait pas vivre avec un séropositif, que c'était un blocage et qu'il aurait trop peur. J'ai essayé de lui expliquer que ma charge virale était indétectable mais ce garçon-là n'était pas en capacité de comprendre ça. Je ne lui jette pas la pierre, il ne pouvait pas le gérer.
Je ne peux pas le juger, je comprends que ça puisse faire peur. J'ai aussi eu un partenaire qui m'a formidablement soutenu. Nous avons eu des rapports sans préservatif et il n'a pas contracté le VIH.
Mais je connais beaucoup de couples sérodifférents et ça se passe très bien. Donc c'est aussi l'intelligence humaine de la personne que l'on a en fasse qui est capable de comprendre que si la charge virale est indétectable, il n'y a pas de risque.
Aujourd'hui, on vit globalement bien avec le VIH, la majorité d'entre nous a une vie normale. Donc il y a moins de mobilisation autour de ça, mais il ne faut pas oublier qu'il y a toujours 6.000 contaminations par an. Il faut continuer à se battre pour renforcer la prévention. C'est presque logique que les jeunes d'aujourd'hui en aient moins peur: la trithérapie a tout changé puisqu'on ne meurt plus du Sida en France, et on voit des gens qui vivent très bien. Ils n'ont pas vécu ces années de mort, cela leur paraît comme une simple maladie chronique".