Accident de TGV près de Strasbourg: un procès pour comprendre le drame

Le procès du plus grave accident ferroviaire de ces dernières années s'ouvre ce lundi. Onze personnes avaient été tuées le 14 novembre 2015 lors d’un essai de la ligne TGV près de Strasbourg. La date est importante parce que c'était le lendemain des attentats de Paris. La France était bouleversée par ce qui venait de se passer au Bataclan, sur les terrasses et au Stade de France. Et la catastrophe était donc presque passée inaperçue.
Le procès est l’occasion de sortir ce drame de l'oubli. La justice se donne le temps pour aller au fond des choses puisque les audiences vont s'étaler pendant dix semaines, jusqu’à la mi-mai, au palais de justice de Paris.
C'était un essai de la nouvelle ligne à grande vitesse, le dernier tronçon du TGV Est qui devait entrer en service l’année suivante. Pour valider la ligne, on fait circuler des rames en survitesse, c'est-à-dire au moins 10% plus vite que la future vitesse d’exploitation. Et en l'occurrence ce jour-là, c'était même beaucoup plus. Parce qu’en réalité, plus le train d’essais va vite, plus cela conforte les vitesses prévues.
A Eckwersheim, le train devait rouler à 360 km/h le plus longtemps possible, puis freiner fortement pour aborder une courbe. Seulement, il a freiné trop tard et il est arrivé dans la courbe à 265 km/h au lieu des 176 km/h prévus. Soit 90 km/h trop vite. Et ce qui devait arriver arriva. La TGV a déraillé sur un pont et la rame a plongé dans un canal. 53 personnes étaient à bord, on a compté 11 morts et 42 blessés dont 21 dans un état grave.
Plusieurs dysfonctionnements
Le train a freiné trop tard parce qu'il a suivi les instructions. Le point de freinage qui avait été indiqué au conducteur était trop loin. Les avocats des parties civiles vont défendre l’idée que la catastrophe était en fait écrite d’avance.
D’autant que trois jours avant, le 11 novembre, un premier essai avait eu lieu. Les conducteurs avaient freiné à l’endroit indiqué et ils s'étaient fait très peur en arrivant trop vite dans le virage, mais cet incident n'était pas remonté. Au contraire, le rapport d’essai indiquait RAS… Premier dysfonctionnement.
Et puis, le matin du drame, un nouvel essai avait eu lieu. Cette fois, le conducteur, par erreur et sans s’en rendre compte, avait freiné plus tôt que prévu, 2 km trop tôt. Il était donc arrivé dans la courbe à une vitesse réduite. Et il avait fait savoir qu’il n’y avait pas de problème et qu’il y avait même de la marge. Ce qui n'était pas le cas. Deuxième dysfonctionnement. Le conducteur du TGV et le cadre qui l’accompagnait sont dans le box des accusés, mais leurs avocats vont faire valoir que les fautes ont été commises en amont, dans la préparation de l’essai.
Trois entreprises sont également jugées. Et elles se renvoient les responsabilités. L'organisation de ces essais a été sous-traitée par la SNCF à Systra, une entreprise spécialisée qui a elle-même sous-traité la maîtrise d'œuvre à une filiale de la SNCF. Pourquoi un tel montage? Parce qu’une loi de 2014 oblige la SNCF à externaliser certaines opérations, comme les essais à grande vitesse.
Résultat: trois sociétés se sont marché sur les pieds et se sont ensuite rejetées les responsabilités. Le tribunal devra déterminer qui a fait quoi. Les débats risquent d'être très techniques. Les familles des victimes attendent des réponses, depuis presque neuf ans.