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Eboulement en Savoie: la sécurité des routes est-elle suffisante?

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L'impressionnant éboulement dans la vallée de la Maurienne, intervenu dimanche, bloque toujours le trafic ferroviaire et routier et soulève des questions sur la sécurité de ces axes de montagne.

La vallée de la Maurienne (Savoie) va devoir patienter avant un retour à la normale. Deux jours après le spectaculaire éboulement de rochers qui a entraîné une suspension de la grande partie des trafics ferroviaires et routiers entre la France et l’Italie, les dégâts semblent plus importants que prévus.

Une dizaine de milliers de mètres cubes de roche seraient tombés, touchant trois infrastructures. Plusieurs axes routiers et ferroviaires importants resteront fermés les prochains jours, voire les prochaines semaines.

L'autoroute A43, "la moins exposée", n'a "pas subi de dommages sur l'ouvrage a priori" mais ne rouvrira pas avant la conduite de nouvelles expertises. Selon la SNCF, le trafic entre Saint-Michel-de-Maurienne et Modane est interrompu pour une durée indéterminée et certainement pour plusieurs semaines. La départementale 1006, qui dessert la vallée, va rester fermée "plusieurs semaines étant donné l'importance de l'éboulement" et des travaux qui devront y être menés, a indiqué Jean-Philippe Laplanche, directeur des infrastructures de Savoie.

Un événement qui inquiète dans la région, et remet en question le bien-fondé de telles infrastructures à flanc d'une falaise plutôt instable.

Des systèmes de sécurité déjà en place

Roland Avenière, maire du Freney, commune en contrebas de l’éboulement, est remonté et dit alerter depuis longtemps sur les dangers de la circulation routière au pied de la falaise. "Le phénomène qui s'est produit dimanche existe depuis longtemps", assure-t-il.

"Je ne serai rassuré que le jour où cette route départementale ne passera plus sous cette falaise", lance-t-il.

Pour lui, c’est clair: il fallait faire passer une partie des voies sous un tunnel. "Peut-être que ça coûtait trop cher à l'époque, mais est-ce que ça aurait coûté vraiment plus cher que ce qui se passe aujourd'hui?", interroge-t-il.

Pour le département, la question ne se pose pas. Des mesures de prévention sont déjà en place, dont des systèmes de capteurs qui déclenchent des feux de signalisation et un système de barrièrage de la route dès que la montagne bouge, comme l'explique Nathalie Furbeyre, conseillère départementale du canton de Modane.

"Ce système a fort bien fonctionné au moment de cet éboulement qui était quand même assez spectaculaire, donc pas de victimes à déplorer grâce à ce système au niveau de la route départementale", défend-elle.

Des axes toujours fermés à la circulation vu l’instabilité de la falaise: 3.000 m3 de roche risquent toujours de s’écrouler.

L'invité de Charles Matin : Eboulement en Savoie, 10 000 m3 de roches sont tombés - 30/08
L'invité de Charles Matin : Eboulement en Savoie, 10 000 m3 de roches sont tombés - 30/08
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La préfecture de Savoie appelle ainsi la population de Haute-Maurienne à la plus grande prudence. D'après les premiers éléments, l'événement serait plutôt d'origine géologique, sans lien direct avec le réchauffement climatique.

"Il y a beaucoup d'endroits en montagne où les risques évoluent en général à la hausse sous l'effet du changement climatique. Notamment avec la fonte du permafrost (une couche d'eau gelée qui cimente la montagne). Mais là on n'est pas dans ce cas de figure", assure David Binet, chef du service Restauration des terrains en montagne pour l’ONF (Office national des forêts) de Savoie.

"On est à 1.000 mètres d'altitude donc il n'y a pas de permafrost. On est dans le cas de figure d'un phénomène géologique de mouvement très lent en raisons d'un cumul précipitations qui a probablement été l'élément déclencheur mais qui n'a rien d'exceptionnel et qui n'est pas forcément en lien avec le changement climatique", conclut-il.

De fortes précipitations qui ont suivi une période de sécheresse... Des conditions qui risquent tout de même de se reproduire avec une intensité de plus en plus forte avec le réchauffement climatique. D'autant que Boris Weliachew, architecte et expert des risques majeurs, explique ce mercredi matin sur RMC que dans les années 1990, on ne détectait que très peu d'éboulements rocheux.

Si cet événement exceptionnel reste en revanche rare à cette altitude, il peut aussi s'expliquer par la situation particulière de la vallée de la Maurienne qui possède à la fois une falaise instable, et en contrebas plusieurs axes de transports.

La falaise était d'ailleurs surveillée, avec des filets de protection installés, comme c'est le cas dans de nombreuses zones à risques. Les équipes départementales circulent quotidiennement pour effectuer des repérages, quitte à programmer des travaux de purges, c'est-à-dire bloquer la route et évacuer une partie des pierres piégées dans les filets. Un exemple à suivre selon Boris Weliachew: le Japon. "Ils mettent de grands moyens pour bétonner et renforcer", salue-t-il, estimant qu'il faudrait ainsi mettre la main à la poche si on voudrait plus de sécurité sur les routes de montagne.

Le rôle du réchauffement climatique est en revanche encore plus marqué et inquiétant en haute-montagne, avec la disparition du permafrost, et qui provoque une augmentation des éboulements: 10 fois plus en 50 ans autour du Mont Blanc.

J.A. avec Martin Cadoret et Vincent Chevalier