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"On s'engage mais on en a marre d'être renvoyés à notre religion" déplore une présidente de bureau de vote, mutée à cause de son voile

Reléguée de présidente de bureau de vote à assesseur en raison de son voile, une élue EELV du Val-de-Marne déplore être sans arrêt renvoyée à sa religion, malgré son engagement dans la vie publique alors que la politique ne cesse de désintéresser.

Les régionales, si elles ont peu mobilisé, ont relancé une énième polémique sur le voile. À Vitry-sur-Seine dans le Val-de-Marne, la présidente d'un bureau de vote a été reléguée assesseur en raison de son voile. Rachida Kabbouri, conseillère municipale EELV dans la ville, n'a pu tenir son rôle de présidente de bureau toute la journée car la loi stipule qu'une représentante de l’Etat ne peut porter de signe religieux, au nom de la neutralité du service public.

Après plusieurs signalements et alors que la principale intéressée assure avoir été insultée, la préfète l’a donc contrainte de permuter avec l’assesseur car les assesseurs ne sont pas soumis aux même directives, étant désignés par les candidats. Le maire PCF de Vitry de son côté, savait bien qu’il y avait un problème vis-à-vis de la loi mais n’a pas jugé nécessaire de changer de présidente de bureau.

"Je ne porte pas le voile mais un foulard, c’est un accessoire. Ce n’est pas le problème le foulard. Le problème c’est l’interprétation. Je me suis présentée aux dernières législatives avec mon foulard, j’ai déjà co-présidé un bureau de vote avec mon foulard, cela n’a pas posé de problème", a réagi Rachida Kabbouri ce mardi dans les "Grandes Gueules".

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"Si l’on veut se lancer sur ce terrain de codification vestimentaire, allons jusqu’au bout"

"Le maire de Vitry avait le plus grand mal à trouver quelqu’un pour présider un bureau de vote, voyez les difficultés à Marseille. Je suis engagée dans le milieu associatif où je dirige une association qui lutte contre les violences faites aux femmes, on s’est engagés contre les attentats pour défendre la République. On s’engage mais on en a marre comme citoyen français d’être sans arrêt renvoyés à notre religion", ajoute-t-elle.

Et selon elle, son foulard n'est pas un signe religieux en particulier: "En France, dans le pays de la liberté, cette liberté est entachée parce qu’on veut mettre en place un code vestimentaire. Je suis aussi élue au territoire et la question ne s’est pas posée. Le foulard, je le porte comme Benazir Bhutto (ancienne première ministre du Pakistan), pas comme sur la photo que vous utilisez de moi", précise Rachida Kabbouri.

"Je couvre ma tête, c’est vous qui y voyez un signe religieux. Le problème c’est qu’on ramène tout à la femme. C’est toujours la femme qui doit se rectifier", ajoute-t-elle. "J’aimerais bien que les hommes viennent rasés de près. Comme la barbe est considérée comme un signe ostentatoire, si l’on veut se lancer sur ce terrain de codification vestimentaire, allons jusqu’au bout", ironise-t-elle en guise de conclusion.

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Qu'en pensent les "Grandes Gueules"

Gilles-William Goldnadel, avocat: "J’ai du mal à comprendre cette victimisation. La loi c’est la loi. On peut gloser longtemps sur les réactions mais sur le problème de principe c’est difficile de gloser. Si un président portait une très grande croix, je suis sûr que de nombreux laïcards le dénoncerait".

Isabelle Saporta, éditrice: "Je ne suis pas très à l’aise avec le voile, sans doute que j’y vois à tort ou à raison quelque chose qui relève de la soumission des femmes. Pour autant, ce particularisme français qui est d’en faire un sujet passionnel et d’hystériser le débat à ce propos à chaque fois sur le voile, cela me rend malade. Est-ce que la préfète n’a pas autre chose à faire ? Il y a une abstention record, il y a tellement peu de gens qui veulent s’engager en politique et là on a cette femme, qui est engagée politiquement, veut se battre, être engagée aux côtés de ses concitoyens, et on l’humilie publiquement".

Jérôme Marty, médecin: "On apprend qu’elle a été insultée au bureau de vote. Des gens ont décroché le téléphone pour prévenir la préfecture. Si dès le départ le maire avait fait le rappel à la loi, il n’y aurait pas eu de problème. L’humiliation est vécue parce qu’on vous insulte et on donne raison à ceux qui insultent".

G.D.