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Clitoris dans les manuels scolaires: "Le plaisir masculin, on a le droit d'en parler; le féminin, c'est tabou"

Pendant des décennies, le clitoris a été boudé des livres scolaires, parfois mal représenté, le plus souvent totalement ignoré. Cette rentrée, un manuel de Sciences et vie de la terre (SVT) des éditions Magnard le représente enfin fidèlement, intégré aux schémas de l'appareil génital féminin.

Une fille de 13 ans sur deux et une fille de 15 ans sur quatre ne sait pas qu’elle a un clitoris. Ces chiffres, révélés en juin 2016 par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE), sont révélateurs d’une méconnaissance de l’appareil génital féminin, alors même que la reproduction est au programme de SVT de 4e.

Et pour cause. Huit manuels scolaires sortis cette année ont été épluchés en mai par le projet "SVT égalité", un projet qui vise à lutter contre les stéréotypes dans l'enseignement. Un seul, celui des éditions Magnard, représente correctement le clitoris, pour la première fois. Symbolisé par un simple point, pas légendé, voire totalement absent: jusque là, l’organe du plaisir féminin était boudé.

Est-ce que c’est parce que le clitoris ne sert qu’à donner du plaisir qu’il est tabou? Oui, "largement", selon Damien Mascret, sexologue, journaliste et auteur avec Maïa Mazaurette de La Revanche du clitoris, aux éditions La Musardine. 

"Effectivement, l’organe génital masculin sert aussi à autre chose, du coup on était un peu obligés de le représenter. Tandis que le clitoris n’est que pour le plaisir, donc si on le représente, ça veut dire que peut-être il va y avoir des questions, peut-être il va falloir en parler, et ça, ça gêne beaucoup l’Education nationale", affirme-t-il au micro de RMC.

Des cours "très bien sur le côté pratique"

Françoise, mère d’une adolescente de 15 ans, estime sur notre antenne que les cours dispensés sont "très bien sur le côté pratique des choses: reproduction, développement du corps", mais que "la notion de plaisir n’est absolument pas abordée."

"Pour en avoir beaucoup parlé avec ma fille, ce qui ressort des discussions avec ses amis, c’est que le plaisir masculin, on a le droit d’en parler; le plaisir féminin, c’est complètement tabou. Une fille qui va dire 'moi je me masturbe, ou j’ai du plaisir, ou je peux parler de mon clitoris', elle est très très mal jugée."

Valérie Sipahimalani, professeur de SVT au groupe scolaire Jules Ferry à Paris, explique que les professeurs n’ont pas attendu que les manuels évoluent pour parler de plaisir et évoquer le clitoris dans les cours d’éducation sexuelle.

"On a même fabriqué un petit modèle de clitoris 3D à leur montrer", raconte-t-elle. "On a un peu de documentation quand on est en relation avec des associations comme le Planning familial, mais elle n’est pas forcément aussi précise que celle qu’on commence à avoir, notamment grâce aux féministes, qui font un beau travail actuellement de sensibilisation y compris auprès des profs."

25% des écoles sans éducation à la sexualité

"En SVT on explique les organes avant tout, la reproduction", précise-t-elle, "et en 1ère, l'Education nationale nous demande explicitement de parler du plaisir."

A côté des cours de SVT, les élèves sont censés suivre des séances d’éducation à la sexualité, qui ne sont pas toujours correctement mises en place. "Le souci de ces séances, c’est qu’on n’a pas forcément les moyens pour le faire, ni la formation", regrette Valérie Sipahimalani. "Dans le doute, plutôt que de mal faire, souvent on ne fait pas."

Malgré une obligation légale depuis 2001, le rapport du HCE de 2016 révélait que "25% des écoles répondantes (avaient déclaré) n’avoir mis en place aucune action ou séance en matière d’éducation à la sexualité".

"La moyenne horaire des interventions scolaires est à peu près de deux heures en 4e, deux heures en seconde. (...) C'est quand même loin d’être suffisant face à l’accès simplifié à la pornographie", relève Ovidie, réalisatrice du documentaire "A quoi rêvent les jeunes filles?". "Ce qui est important, c’est d’allouer un budget conséquent à ces intervenants scolaires."

M comme Maitena (avec Liv Audigane)