De la 2ème place à la 6ème: la dégringolade de l'export agroalimentaire français

Le Salon international de l'agroalimentaire s'est ouvert samedi 19 octobre à Villepinte (Île-de-France) dans un contexte tendu pour le secteur. L’export de produits agro-alimentaires français dégringole. En 20 ans, la France est passée de la place de 2ème exportateur mondial à celle de 6ème avec des parts de marché mondiales divisées par 2. La balance commerciale reste positive mais elle a tout de même chuté de 10 milliards d’euros. C’est que révèle l’Ania, l’association nationale des industries alimentaires.
Sur l’ensemble de l’année 2023, l’excédent français s'élevait à 6,5 milliards d’euros et perdait 3,7 milliards par rapport au haut niveau de 2022, lié au contexte de la guerre en Ukraine et de la flambée des prix des céréales.
Les représentants de l'industrie agroalimentaire ont donc été reçus à l’Elysée ce lundi soir pour un dîner organisé par le président de la République Emmanuel Macron. Un dîner pour faire part de leur inquiétude pour ce secteur de plus en plus en difficultés.
"On est un pays à haut coût de main d'œuvre"
En un an, de 2022 à 2023, la balance commerciale de la France a chuté de 43,5% pour les produits agroalimentaires. Et c’est parce que la France se fait rattraper par ses concurrents, selon l’économiste Bruno Parmentier: "On est un pays à haut coût de main d'œuvre. Sur les produits bas de gamme, on est très vite désavantagé par des gens qui ont des coûts inférieurs".
Là où on est fort les Français, c’est sur les produits hauts de gamme donc on fait du super vin. Mais le Chili fait du très bon vin, l’Afrique du Sud maintenant fait aussi du très bon vin, donc au bout d’un moment on perd des parts de marché", poursuit l'économiste.
Nos points forts, les vins et spiritueux, sont notre troisième excédent commercial. Et la France a encore des excédents dans les produits bruts : céréales, lait, sucre, aliments pour animaux. En revanche, tous les échanges de produits transformés sont déficitaires, qu’ils soient à base de fruits et légumes, de poisson, ou de viande. Ce sont les céréales du petit déjeuner, les galettes de légumes, les friandises, les plats cuisinés surgelés, les pizzas surgelées.
Une lourdeur administrative et de nombreuses normes
Comment s’explique cette perte de terrain ? Les raisons sont multiples. D'abord, des exploitations trop petites, qui n’ont pas suivi l’industrialisation de l’agriculture opérée par nos voisins allemands ou espagnols par exemple. Mais aussi des coûts de production plus élevés (coûts de matières premières, travail), l’excès de normes, les contraintes réglementaires et environnementales plus élevées qu’ailleurs en Europe (un tiers des traitements chimiques autorisés et utilisés chez nos voisins ne peuvent pas être épandus en France). Ou encore, la difficulté à trouver des garanties pour se couvrir des risques à l’export (impayés, taux de change), le manque de soutien de l’administration.
L’Association nationale des industries alimentaires dénonce, elle aussi, une lourdeur administrative et les nombreuses normes pour les producteurs. Résultat: en France, seules 20% des entreprises du secteur exportent contre 80% des allemandes, souligne l’ANIA. Et en revanche, la France importe massivement : 70% des fruits, 40% des poulets, 30% des légumes consommés dans notre pays sont achetés à l’étranger. Mais pour le spécialiste Bruno Parmentier, le métier doit surtout se réinventer.
La France souffre du réchauffement climatique mais beaucoup moins que les pays du sud. Il va falloir investir dans des serres parce que dans 20 ans, si on se débrouille, les Espagnols vont manger des tomates françaises, et donc il faut aider les gens à faire ce changement”.
Il plaide pour la mise en place d'une aide à l’innovation pour les agriculteurs.
Inverser la tendance, ne serait-que revenir à nos parts de marché de 2010, ce serait créer 75.000 emplois et garantir la souveraineté alimentaire de la France. Après la perte de l'industrie française, il ne faudrait pas perdre aussi l'agriculture.