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Fermeture de Fessenheim, fiasco de l'EPR... Comment la France a perdu sa souveraineté énergétique

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La commission d'enquête parlementaire sur la politique énergétique de la France a rendu son rapport ce jeudi. Et il n'est pas tendre avec les décisions de ces 30 dernières années. La liste d'erreurs est tellement longue qu'on ne peut pas toutes les citer.

Un rapport salé. Dans un rapport rendu jeudi, les députés de la commission d'enquête parlementaire sur la politique énergétique de la France dénoncent 30 ans d'inconséquences.

Tout commence au début de l'hiver dernier. La Russie avait coupé le gaz, Poutine promettait que toute l'Europe allait mourir de froid, et en France, les spécialistes envisageaient sérieusement des coupures de courants en cas de  pic de consommation. 

C’est à ce moment-là que les députés lancent leur commission d'enquête pour tenter de comprendre comment la France a perdu sa souveraineté et son indépendance énergétique. Alors que longtemps, nous avons été un pays exportateur d'électricité.

Pendant six mois, la commission a entendu près de 90 experts et responsables politiques de ces dernières années, y compris les deux derniers présidents de la République, Nicolas Sarkozy et François Hollande.

Une liste d'erreurs beaucoup trop longue

Le rapport de 400 pages publié jeudi dénonce une lente dérive et 30 ans de décisions prises à l’envers et sans méthode. Il pointe des fautes stratégiques, des alertes non entendues, des décisions hâtives, des paris risqués, des usines à gaz réglementaires.

La liste des erreurs est trop longue pour que l’on puisse toutes les raconter, mais on peut citer en vrac, la terrible guerre que se sont livré EDF et Areva, les deux géants français du nucléaire.  

On peut citer le fiasco de l'EPR, cette centrale de dernière génération que l’on tente de construire à Flamanville. Elle devait être inaugurée en 2012, elle le sera peut-être en 2024. Elle devait coûter trois milliards d'euros, elle en coûtera 20…

L'EPR, c’est le symbole de l’arrogance des ingénieurs français qui ont cru concevoir la meilleure centrale nucléaire du monde. Sauf qu’elle ne marche toujours pas.

Des fermetures de centrales incompréhensibles

La fermeture de la centrale de Fessenheim est également critiquée. Décidée en 2011 entre Martine Aubry et Cécile Duflot pour parvenir à un accord de gouvernement, cette fermeture est "politique", juge la commission d'enquête qui évoque encore des décisions électoralistes sans logique énergétique, selon le rapport.

Au-delà de Fessenheim, le rapport estime surtout que les gouvernements successifs ont sous-estimé nos futurs besoins en électricité, sous-estimé le vieillissement et la fragilité des centrales et pas compris que la priorité, c'était la sortie, non pas du nucléaire, mais du pétrole et du gaz.

La France n’a pas assez cru dans les énergies renouvelables et a laissé la Chine prendre une place prépondérante sur ces marchés. Aujourd'hui, la France est totalement dépendante de la Chine pour la construction des batteries et des panneaux solaires.

Sans parler de la libéralisation et de la décision prise en 2010 d’obliger EDF à vendre un quart de sa production à ses concurrents à prix cassé. Résultat: la production d'électricité française a été en 2022 la plus faible de l’histoire d’EDF. Presque moitié moins qu’en 2005, la meilleure année. Et voilà comment la France a perdu sa souveraineté électrique.

Comment sortir de ce marasme?

Pour tenter de rectifier le tir, la commission d'enquête parlementaire a une trentaine de propositions. Il faut, disent les députés, un sursaut, une relance du nucléaire en investissant massivement et rapidement dans cette filière.

On aura compris que les membres de cette commission d'enquête sont globalement très favorables au nucléaire. Ils approuvent donc les dernières décisions d’Emmanuel Macron de lancer la construction de six réacteurs EPR, et même peut-être huit de plus. Pour refaire de la France une grande puissance nucléaire civile à l’horizon 2050…

Nicolas Poincaré