Inflation: que peut vraiment faire l’Etat pour le pouvoir d'achat?

Elisabeth Borne a dit souhaiter "des baisses concrètes" des prix pour les Français d’ici fin juin. Un souhait qui peut ressembler à un vœu pieu. Sauf que les prix de l’alimentaire, qui ont augmenté de 15,8% sur un an selon l'Insee, ne baisseront pas d’ici fin juin. Faire croire que le gouvernement y peut quelque chose, n’est même pas de l'ordre du un vœu pieu, mais plutôt d'un pieu mensonge.
En fait, la Première ministre demande aux industriels et aux patrons de la grande distribution de rouvrir les négociations pour répercuter sur les prix la baisse des matières premières agricoles et de l’énergie, ce que Bruno Le Maire a déjà réclamé à plusieurs reprises. La France est aujourd'hui le seul pays au monde à négocier les prix une seule fois dans l’année, mais tous les contrats signés par la grande distribution prévoient des clauses de renégociations ou de révisions. Chose que les distributeurs ne disent pas. Autrement dit, quand on veut, on peut.
Même s’ils acceptaient de se réunir à nouveau, le gouvernement ne pourrait de toute façon pas obliger les industriels à baisser leurs prix. C’est même pour ça que Bercy s’est contenté de parrainer la fameuse opération "trimestre anti-inflation". En attendant, le proverbe se vérifie jour après jour: les hausses prennent l’ascenseur, les baisses prennent l’escalier.
L'État n'a pas rien fait
Quand les oppositions reprochent au gouvernement de ne rien faire, elles ne sont peut-être pas dans le mensonge, mais au moins dans la démagogie. Parce qu’en réalité, l’État ne peut pas faire grand-chose. Et l'État n’a pas rien fait, comme quand il a redistribué 46 milliards d’euros avec le bouclier sur les tarifs du gaz et de l’électricité. Comparé aux tarifs pratiqués chez nos voisins européens, la France est plutôt bien lotie.
Puis après avoir fait une ristourne à la pompe sur le prix de l’essence jusqu’à fin décembre, le gouvernement a offert un chèque carburant de 100 euros aux foyers les plus modestes. Sauf que sur les 10 millions de bénéficiaires potentiels, seuls 4 millions en ont profité. Dès lors, pourquoi le dispositif s’est-il arrêté fin mars? Aucune réponse.
Des propositions inapplicables
Cela dit, les oppositions font des propositions: la gauche veut bloquer certains prix, le RN veut supprimer la TVA sur certains produits. Le blocage des prix n'est pas possible parce que nous ne sommes pas dans une économie administrée, façon pays de l’Est dans les années 70. Pour la suppression de la TVA, elle est possible et la France l'a déjà essayée avec les restaurateurs. Mais les clients n'ont pas vu la couleur d'une baisse de prix. En outre, les directives européennes interdisent de baisser la TVA en-dessous de 5%. Quant à l’Espagne, qui a choisi de baisser la TVA, les prix de l’alimentaire continuent d’augmenter alors que le rythme général de l’inflation ralentit. Pas très probant et surtout très coûteux.
En revanche, le gouvernement avait promis de réfléchir à un chèque alimentaire destiné aux foyers les plus modestes. On l’attend encore. D’ailleurs, Emmanuel Macron a été plus prudent qu’Elisabeth Borne dans Le Parisien dimanche dernier : "Je veux être honnête, a-t-il dit, les prix alimentaires, ça va être dur jusqu'à la fin de l'été. La clé, c'est que le travail paye mieux".
>>> “Expliquez-nous” est à retrouver en podcasts sur le site et l’appli RMC
Un conférence salariale?
Sauf que le gouvernement ne peut pas décider des salaires dans les entreprises privées. Mais il pourrait donner l’impulsion, en convoquant par exemple, comme le réclament les syndicats, une grande conférence salariale. En 1968, les accords de Grenelle avaient abouti à une hausse du Smig de 35% et à une hausse des salaires de 10% dans le privé. Ensuite, l’Etat est lui-même employeur. Les profs vont bénéficier d’un coup de pouce, les infirmières ont été augmentées à la faveur du Ségur. L’Etat pourrait augmenter les autres. Sauf que nos finances publiques sont au plus bas.
Enfin, la gauche propose de revenir à l’échelle mobile des salaires, c’est-à-dire une indexation de tous les salaires sur les hausses de prix. La France l’a pratiquée en 1952 quand l’inflation était proche de 25%. Jacques Delors l’avait supprimée en 1983 dans ce qu’on avait appelé "le tournant de la rigueur". Mais pas certain que toutes les PME-TPE puissent suivre. En attendant, on se contentera d’une augmentation du Smic d’un peu plus de 2% lundi 1er mai. Mais ça, ce n’est pas un cadeau. Juste l’application de la loi.