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"Ce sont nos armes": de nombreux Ukrainiens réapprennent leur langue pour ne plus utiliser le russe

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De plus en plus d'Ukrainiens prennent des cours pour réapprendre leur langue natale. Lyudmila, Maryna et Alla témoignent au micro de RMC de cette envie et de ce besoin de ne plus parler le russe. Pour elles, c'est une façon de se battre autrement qu'avec les armes et de se rapprocher de la victoire.

Elles sont mères et grands-mères, mais sont de retour sur les bancs de l'école, à Kiev (Ukraine). Elles ne sont pas là pour faire des mathématiques ou des sciences, mais pour réapprendre à parler et à maîtriser l'ukrainien.

Depuis l'invasion de la Russie, les demandes sont très nombreuses. Une association qui donne des cours d’ukrainien en ligne a lancé un nouveau programme d’apprentissage en avril dernier. Dans les premiers jours, 10.000 personnes se sont inscrites. Elles sont aujourd'hui 80.000.

"Je n’ai aucun problème avec la langue russe en elle-même. Le problème, c’est que c’est la langue de l’occupant. Pour justifier l’invasion, Vladimir Poutine prétend nous protéger, nous qui parlons russe, c’est n’importe quoi", explique Lyudmila.

Une première tentative en 2014

Elle a fui Kherson l'année dernière et là-bas, tout le monde parle russe. Elle admet d'ailleurs que "le russe est plus facile" pour elle. Pour autant, désormais, elle souhaite ne plus le parler. Elle avait déjà tenté il y a quelques années de se réapproprier la langue ukrainienne.

"En 2014, quand les Russes ont annexé la Crimée et occupé l’Est de l’Ukraine, nous étions nombreux à décider de passer à l’ukrainien. Sauf que pour être honnête, nous avons tenu deux mois avant de repasser au russe. J'ai peut-être manqué quelque chose, une occasion de nous défendre, alors c’est pour ça que je suis comme ça aujourd’hui, à pleurer, ça me fait mal d’y penser", ajoute-t-elle les larmes aux yeux.

Cette utilisation très répandue de la langue russe en Ukraine date d'il y a très longtemps. À l'époque soviétique, puis dans les années qui ont suivi, "ceux qui parlaient ukrainien étaient méprisés", explique Maryna, une autre participante à l'atelier.

"J'ai eu la nausée, je ne pouvais plus entendre le russe"

"Un jour, on m’a insultée de pouilleuse, sous-entendu que j’étais sous-éduquée, parce que j’avais demandé un journal en ukrainien", raconte-t-elle.

Elle peut énumérer des dizaines d'humiliations et de traumatismes de ce genre. Cette fois, c'est fini. Il n'y aura plus de film, ni de musique en russe. "En novembre dernier, alors qu’on était assis sans électricité, sous les bombes, j’ai soudain eu la nausée. Je ne pouvais plus entendre parler russe", rapporte Maryna. Pour ces femmes, ce retour à la langue ukrainienne est une autre forme de bataille.

"Tout le monde ne peut pas prendre les armes, souligne Alla. Donc donner, faire du bénévolat, apprendre ou même améliorer notre langue natale, ce sont nos armes."

Une façon de se battre et d'être unies donc, mais aussi l'espoir de se rapprocher de la victoire.

Marion Gauthier et AB