Guerre en Ukraine: "La sortie possible pour Poutine, c'est une arme nucléaire tactique pour raser une ville" craint le général Desportes

"On sort d’une guerre soit par la destruction totale, soit par la négociation. Mais la négociation semble difficile." Cette explication du général Vincent Desportes, invité des "Grandes Gueules" ce vendredi sur RMC et RMC Story, ne permet pas de se rassurer. Pour l’ancien directeur de l’École de guerre, "on a raison d’être inquiet".
Selon le général Vincent Desportes, la guerre en Ukraine est "une guerre civile": "Ce sont des Slaves contre des Slaves, des chrétiens contre des chrétiens. Et la guerre civile est la plus meurtrière".
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Le nucléaire comme "sortie possible"
A entendre le général Vincent Desportes, une porte de sortie pacifique semble difficile dans cette crise.
"Monsieur Poutine et Monsieur Zelensky ne peuvent pas se parler car l’un méprise l’autre. Il y a une sortie possible et cette sortie est encore plus terrible, et qui arrêterait tout en cinq minutes. Cette sortie-là, c’est l’emploi d’une arme nucléaire tactique en rasant une ville. Monsieur Poutine va choisir, 10.000, 15.000, 20.000, 100.000 habitants. Si on a une bombe atomique tactique qui tombe sur une ville, le monde va s’arrêter", explique-t-il.
Cette idée qui est, selon lui, dans la doctrine de l’armée russe, reprend le précédent d’Hiroshima: "La guerre s’est arrêtée à Hiroshima. Et la plus petite des bombes russes est beaucoup plus forte que la bombe d’Hiroshima. Donc le monde s’arrête".
Pour Vincent Desportes, le monde sera "tétanisé" par ce qui viendra de se produire", l’Otan "ne ripostera pas" et cela poussera à des négociations avec Vladimir Poutine qui pourrait dire alors: "Vous voyez, je suis sérieux, vous allez me donner (l’Ukraine) ou alors je vais aller plus loin". "C’est une sortie de crise possible, pas probable mais possible", estime-t-il.
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Une impasse stratégique
L’ancien commandant du Collège interarmées de défense estime que dans ce cas, "l’arme nucléaire empêche la guerre et permet la guerre", car elle empêche une confrontation directe "entre la Russie et l’Otan, mais permet celle en Ukraine".
Pour la France, la résultante est, selon lui, "une impasse stratégique qu’on connaît depuis longtemps, parce que nous ne pouvons pas intervenir, et nous n’en sortirons pas sur un claquement de doigts."
Une guerre qui va durer
Dans le cas d’un conflit qui n'irait pas jusqu’à cette extrémité, le général Vincent Desportes estime que "la guerre va durer". Pour lui, le scénario de la "guerre éclair" s’éloigne et l’enlisement pointe.
"Cette guerre aurait pu être rapide à deux conditions", explique-t-il. "Premièrement, que l’opération de Monsieur Poutine ait réussi. S’il avait réussi à poser ses avions sur l’aéroport Antonov, il aurait lancé son opération de saisie de Kiev et vendredi, c’était plié. Sauf que ça ne s’est pas passé comme cela. La deuxième possibilité eût été que l’offensive du nord rejoigne l’offensive venant de la mer d’Azovn juste pour isoler la partie Est et l’armée ukrainienne qui y est. Mais ça n’est pas ça qui se passe. On est donc bien dans une guerre qui est en train de chercher à saisir le territoire pour lui-même. Donc (les Ukrainiens) vont reprendre des forces, il va y avoir de la résistance, on n’est pas du tout dans la guerre éclair."
Un Poutine "coupé du monde"
Pointant les erreurs de discernement de Vladimir Poutine, qui "s’est trompé partout", Vincent Desportes estime que le président russe est "coupé du monde", ce qu’il estime être une caractéristique du pouvoir russe.
"Tous les grands chefs russes, qu’ils aient été tsars, secrétaire général du Parti Communiste ou Monsieur Poutine, sont obligés d’être des dictateurs tyranniques, car leur pays est gigantesque: il y a des civilisations différentes, des populations différentes. Donc il y a un pouvoir fort et un pouvoir fort se coupe petit à petit de la réalité. (L’armée russe) dit à Monsieur Poutine ce qu’il a envie d’entendre."
L’attaque de la centrale nucléaire "pas voulue"
Revenant sur l’information de la nuit et les tirs russes ayant atteint la centrale nucléaire de Zaporijjia, provoquant un incendie, maîtrisé et éteint pas la suite, l’ancien directeur de l’École de guerre estime que cette attaque "n’était pas voulue".
"S’ils avaient voulu détruire la centrale, c’est une cible gigantesque. Ils ne l’auraient pas ratée. Là, il y a un char, qui a tiré un obus. Je pense que c’est plutôt ça. Mais du coup, c’est encore plus dangereux car ça nous montre qu’il y a une part d’irresponsabilité et une part d’incompétence dans ce que (l’armée russe) fait", estime-t-il.
Pour lui, avec la puissance de frappe de Vladimir Poutine, estimée à 6.000 ogives nucléaires, le fait d’"être à la fois irresponsable et incompétent et manier des armes de cette dangerosité", fait que "les Français doivent s’inquiéter".