Israël: pourquoi un général démissionne après l’attaque du Hamas du 7 octobre

Un haut gradé du renseignement israélien a présenté sa démission, ce lundi. Il s’estime en partie responsable des erreurs qui ont permis les massacres du 7 octobre. Il s’agit du général Aharon Haliva, un des maîtres espions israéliens. Il dirigeait le renseignement militaire de l'armée israélienne. Et c’est le premier haut gradé israélien qui tire les conséquences de l'échec…
Le 7 octobre dernier, le jour de l’attaque du Hamas, il était en vacances en famille au bord de la mer Rouge et vers trois heures du matin, il a été averti qu’il se passait peut-être quelque chose à Gaza. Plusieurs services de renseignement ont été alertés et se sont coordonnés dans la nuit. Il était question de Palestiniens qui allaient peut-être tenter de faire une incursion en Israël pour enlever un otage.
Mais rien n'était confirmé et, après plusieurs consultations téléphoniques, les responsables militaires israéliens ont décidé de ne rien faire, de ne pas même élever le niveau d’alerte. Trois heures plus tard seulement, le Hamas entrait en Israël pour commettre les massacres que l'on sait.
Ce n’est pas la seule erreur de jugement que se reproche ce général. Quand il dit qu’il a failli, qu’il n’a pas assurer sa mission qui était de protéger ses concitoyens, il ne fait pas référence à cette alerte reçue cette nuit-là, mais plus largement à l’aveuglement israélien, à tous les services d'espionnages, dont le sien, qui n’ont rien vu venir.
Pourtant, dès 2022, les espions israéliens s'étaient procurés un plan secret du Hamas, appelé le mur de Jéricho et qui ressemblait beaucoup à ce qui s’est passé le 7 octobre. Mais ce plan a été jugé irréaliste par les autorités israéliennes. Et puis trois mois seulement avant le 7 octobre, une deuxième sérieuse alerte a été ignorée. C’est Libération qui le raconte. Une analyste de l’unité 8-200, l’unité chargée des écoutes téléphoniques, avait repéré que le Hamas avait acquis les capacités militaires nécessaires pour une opération massive en Israël. Mais les alertes de cette analyse n’ont pas été prises au sérieux par ses supérieurs. Des supérieurs qui appartiennent au service de renseignement de l'armée. Le service dirigé par le général Haliva, qui vient de démissionner.
Trop de certitudes pour les Israéliens
Comment expliquer cette série d'erreurs? Elles découlent d’une série de certitudes qu'avaient les Israéliens. Il était admis dans l’armée que le mur qui entourait Gaza était infranchissable. Un mur de 65 kilomètres de long, bardé d'électronique et de caméras. Personne n'avait envisagé que quelques drones pourraient endommager les caméras et qu’il suffirait ensuite de quelques bulldozers pour enfoncer le mur et les barbelés…
L’autre fausse certitude que les Israéliens avaient, c’est que leurs services de renseignement étaient les meilleurs du monde. Et donc, qu’une opération de grande envergure ne pourrait leur échapper.
Sauf qu’ils surveillaient surtout les leaders politiques du Hamas, pas les responsables militaires opérationnels qui vivaient dans les tunnels pour échapper aux satellites et qui communiquaient avec des papiers pour échapper aux écoutes. Et ces militaires, surtout, ont décidé de l’attaque du 7 octobre sans en référer à leur chef. Le secret a été parfaitement gardé jusqu’au bout. Ismaël Haniyeh, le leader du Hamas qui vit au Qatar, a semble-t-il appris l’attaque alors qu’elle avait déjà commencé. C’est une autre raison de l’échec des services de renseignement…
Ce général va-t-il être le seul à porter le chapeau? Sans doute pas. Une enquête militaire sur toutes les défaillances de l'armée le 7 octobre est en cours. Elle rendra ses conclusions en juin et il y aura certainement des têtes de généraux qui vont tomber.
Mais le général Haliva, dans sa lettre de démission, suggère surtout la création d’une commission d'enquête sur les responsabilités politiques. Et là, c’est le Premier ministre qui est visé. Benjamin Netanyahu sera certainement interrogé un jour sur la question de savoir pourquoi, lui non plus, n’a rien vu venir.