Livraisons d'armes, extension du conflit: la situation après deux mois de guerre en Ukraine
À l'est de l'Europe, la guerre continue. Russes et Ukrainiens continue de s'affronter depuis l'invasion de l'Ukraine par les troupes de Moscou le 24 février dernier. Deux mois après, l'armée russe s'est retirée de la région de Kiev et se concentre désormais sur le Donbass. L'objectif de Moscou: conquérir toute la région en plus des territoires séparatistes. L'Ukraine a annoncé ce mercredi la prise de plusieurs localités par les forces russes dans l'est.
Les livraisons d'armes
Les pays occidentaux se mobilisent pour l'Ukraine. Et les livraisons d'armes se diversifient. La France a annoncé, par l'intermédiaire d'Emmanuel Macron, la livraison de 12 canons Caesar à l'Ukraine. Une livraison d'un nouveau genre qui s'adapte aux combats qu'anticipe l'Otan.
"C'est un canon qui se met très rapidement en batterie, en deux, trois minutes, qui tire six à huit coups par minute et qui tire à 40 kilomètres. C’est beaucoup parce que c’est hors de portée de la majorité des pièces d’artillerie adverses, limitées à 25-30 kilomètres", rappelle ce mercredi sur RMC le Général Nicolas Richoux, ex-général commandant la 7e brigade blindée, ancien attaché de défense à l’ambassade de France à Berlin.
Les Etats-Unis ont annoncé une aide américaine supplémentaire à l'Ukraine de 800 millions de dollars, comprenant notamment 72 obusiers Howitzer et leurs véhicules. Plus étonnant, l'Allemagne a annoncé qu'elle allait livrer des blindés anti-aériens. "Cela marque une étape quand on connaît le parcours de l’Allemagne qui a toujours refusé de livrer quoi que ce soit, c’est une vraie révolution", explique le Général Richoux.
Le risque d'une troisième guerre mondiale
Face aux livraisons massives d'armes de la part des pays de l'Otan, la Russie menace. Lundi, c'est le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov qui a évoqué le risque "réel" d'une troisième guerre mondiale. "Le danger est grave, il est réel, on ne peut pas le sous-estimer", a-t-il assuré, reprochant à l'Ukraine de faire semblant de négocier: "Sergueï Lavrov a deux buts: à destination de son opinion publique pour mobiliser et à destination de l'opinion publique extérieure pour déstabiliser, ce qui marche", estime le Général Richoux.
"Ce type de déclaration, c'est aussi pour préparer une négociation. Et dans la pratique russe, on ne peut faire des négociations que lorsqu'on a imposé un rapport de force", assurait mardi à RMC, Florent Parmentier, chercheur en géopolitique à HEC.
Pas question pour l'OTAN de tomber dans le piège russe et de s'engager dans une guerre ouverte. L'organisation se refuse à livrer des armes "offensives", malgré les demandes ukrainiennes. Les livraisons de canons Caesar par la France entretiennent le flou. "Ça reste une arme de défense, mais cela peut être une arme d'attaque. Cela dépend de ce que l'on en fait. On voit bien que les Russes préparent des tirs d’artillerie très puissants dans le Donbass, avant ce que l’on pense être prochainement une offensive. Le concept d’arme d’attaque ou de défense est assez contestable", assure le Général Richoux.
"La France n'est certainement pas en guerre dans le sens classique du terme, mais il y a une montée progressive. Il y a une guerre psychologique, avec un pouvoir russe qui souffle le chaud et le froid, mais cela fait partie intégrante de la guerre", ajoute-t-il.
La crainte d'une extension du conflit
Alors que la guerre s'est recentrée dans l'Est de l'Ukraine, la crainte d'un nouveau front à l'ouest a ressurgi en début de semaine. En Transnistrie, une région séparatiste pro-russe en territoire moldave, les autorités locales ont dénoncé des actes de "terrorisme" après plusieurs explosions lundi et mardi.
Des explosions qui interviennent quelques jours après les déclarations du général russe Rustam Minnekaev, qui assurait que le plan russe était de contrôler tout le sud de l'Ukraine, permettant d'établir un corridor vers la Transnistrie, "où il y a des cas d’oppression de russophones", un argument avancé pour justifier l'invasion de l'Ukraine.
"La Transnistrie, cela ressemble un peu au Donbass. Elle a appartenu à l’empire russe, avant de s’en séparer en 1918. Staline l’a reprise en 1939 en même temps que la Pologne, jusqu'à ce que l'URSS disparaisse en 1991. Il y a donc aujourd’hui une minorité russophone. On peut imaginer que la guerre s'y étende", craint le Général Richoux.
Les tensions économiques
Là où la guerre s'est déjà étendue, c'est sur le terrain économique. Après les sanctions occidentales, Moscou a répliqué en coupant les exportations de gaz à destination de la Pologne et de la Bulgarie, très dépendantes. C'est ce qu'a annoncé ce mercredi le groupe russe Gazprom, accusant les deux pays de ne pas avoir effectué de paiement en roubles, comme demandé précédemment par la Russie.
"C'est une décision assez étrange, car Vladimir Poutine a besoin du gaz pour payer sa guerre. Derrière une guerre, il y a l’économie de guerre et pourtant, c’est lui qui décide avant nous de couper son propre gaz", s'étonne le Général Richoux, alors que la Russie est déjà dans une situation délicate après les nombreuses sanctions occidentales.
La Russie avance lentement, avec de lourdes pertes
Après son retrait de la région de Kiev, l'armée russe se concentre désormais sur le Donbass. Moscou l'assure d'ailleurs, c'est depuis le début son unique objectif. Sur le terrain, les troupes russes font un recours massif à l'artillerie, pilonnant les positions ukrainiennes avant d'envoyer des colonnes de blindés. Une avancée plus sûre mais plus lente alors que Moscou a perdu de nombreux soldats et du matériel.
"La Russie est victime d'attrition. Elle pourrait avoir perdu 40.000 hommes et 400 chars (l’armée française en a 200), des pertes énormes qui sont considérables, même dans le Donbass. Mais Si Vladimir Poutine est incapable de conquérir l'Ukraine, si la guerre s’arrête aujourd’hui, il a quand même des gains territoriaux", rappelle le général Richoux.
En plus de lourdes pertes humaines, la Russie aurait déjà perdu 10% de sa flotte d'hélicoptères d'attaque Ka-52 ainsi que 10% de ses Su-34, ses bombardiers tactiques. "On peut craindre un conflit long et figé, qui s'éternise" craint le général Richoux. Des pertes qui ne l'empêchent pas de continuer sa lente avancée, avec des prises ce mercredi de plusieurs localités ukrainiennes dans l'est du pays.