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Reconnaissance de l'État palestinien par la France: pourquoi n'avance-t-elle toujours pas?

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Emmanuel Macron plaide pour une reconnaissance de l'État palestinien, alors qu'une conférence de l'ONU se tiendra à New York du 17 au 20 juin et doit permettre d'avancer sur la solution à deux États, avec celui d'Israël. Pourtant, les choses patinent et les positions internationales divergent.

Une promesse, une date, et maintenant beaucoup de flou. Début avril, en revenant d’Égypte, Emmanuel Macron avait déclaré que la France reconnaîtrait l’État de Palestine à l’occasion d’une conférence coorganisée avec l’Arabie saoudite au siège des Nations unies. La réunion est bien prévue à partir du 17 juin. Objectif : relancer "la solution à deux États". Elle doit aussi permettre de créer un cadre politique pour la reconstruction de Gaza et de poser les bases d'une sécurité régionale durable.

Mais alors que l’échéance approche, Paris temporise, montre des signes de prudence. Deux émissaires français, une conseillère de l'Élysée et un responsable du Quai d'Orsay, se sont rendus discrètement en Israël il y a quelques jours. "Nous sommes déterminés à reconnaître l’État de Palestine", ont-ils affirmé à un média israélien. Ils ont toutefois précisé que cette décision ne serait pas "unilatérale. Il n’est pas question d’isoler ou de condamner Israël." Un geste bilatéral donc, qui doit intervenir au bon moment. Autrement dit: pas maintenant.

Ce vendredi matin, le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a affirmé au micro de RTL le 6 juin que la France était "déterminée" à reconnaître la Palestine. "Il y a une nécessité, c'est de traiter de la question du désarmement du Hamas. Parce qu'il n'y a pas d'avenir possible de paix et de stabilité pour Gaza et pour la Palestine sans en exclure le Hamas définitivement", a-t-il fait savoir.

Les conditions françaises

La France ne veut pas uniquement une "reconnaissance" de la Palestine. Il ne s’agit pas seulement d’un geste pour les Palestiniens. Emmanuel Macron veut des contreparties diplomatiques et stratégiques: que plusieurs pays arabes ou musulmans, comme l’Indonésie ou le Pakistan, reconnaissent en échange Israël.

La France pose aussi ses conditions côté palestinien: un engagement clair de démilitarisation du Hamas, la libération des otages, une réforme en profondeur de l’Autorité palestinienne, et la perspective qu’elle administre un jour Gaza à la place du mouvement islamiste. Des demandes de Paris qui n'ont pas encore trouvé de réponse.

La matinale 100% info et auditeurs. Tous les matins, Apolline de Malherbe décrypte l'actualité du jour dans la bonne humeur, avec un journal toutes les demies-heures, Charles Magnien, le relais des auditeurs, Emmanuel Lechypre pour l'économie, et Matthieu Belliard pour ses explications quotidennes. L'humoriste Arnaud Demanche vient compléter la bande avec deux rendez-vous à 7h20 et 8h20.
Le dossier compliqué par Matthieu Belliard : Reconnaissance d'un État palestinien, le flou - 06/06
3:13

De fortes résistances

Emmanuel Macron compte ses soutiens et les opposants à cette reconnaissance de la Palestine. Les résistances sont fortes. Israël dénonce vigoureusement ce projet. L'État hébreu y voit une forme de légitimation du Hamas. Ici en France, le Conseil représentatif des institutions juives de France appelle ouvertement le président à renoncer à une "récompense" à l’organisation.

On dézoome sur la carte du monde. Les États-Unis, alliés historiques d’Israël, freinent aussi. Cette semaine, Washington a même bloqué une résolution au Conseil de sécurité de l'ONU pour réclamer un cessez-le-feu immédiat. En Allemagne, Berlin a parlé jeudi d’"un mauvais signal".

Le Royaume-Uni et le Canada ont récemment signé une déclaration commune avec la France. Mais les deux pays se montrent plus discrets désormais. Jeudi, le président brésilien Lula était à Paris. Il a appelé à des mesures concrètes face à l'enlisement du conflit. Mais même l’Arabie saoudite, pourtant coorganisatrice de la réunion à l'ONU, pourrait finalement sécher la conférence.

Une vieille promesse en France

C'est pourtant une vieille promesse française. Promesse de campagne de François Hollande en 2012. En 2014, l’Assemblée nationale avait même voté une résolution portant sur cette reconnaissance. Mais plus loin encore, dès 1982, François Mitterrand, devant le parlement israélien, appelait à la création d’un État palestinien. Depuis, la France répète qu’elle n’a "pas de tabou" mais n’a jamais franchi le pas.

146 pays reconnaissent la Palestine

Dans le monde, 146 pays reconnaissent l’État de Palestine actuellement. Dont la quasi-totalité des pays arabes, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud ou encore le Vatican. Pour l'Europe, il faut compter les anciens pays du bloc soviétique, puis la Suède depuis 2014, et l’Espagne, l’Irlande, la Norvège, la Slovénie l'an dernier. Côté membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, seules la Chine et la Russie ont reconnu l’État palestinien.

Mais reconnaître quoi, et qui, au juste? Un État sans frontières claires aujourd’hui? Une Autorité palestinienne divisée, contestée, affaiblie? Un territoire et une population sous occupation et ruinés par la guerre? Derrière le symbole fort, beaucoup de zones d'ombre encore. On a bien compris que cette conférence du 17 juin à New York, ce n'est plus un aboutissement mais une nouvelle étape.

Matthieu Belliard