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Affaire "People & Baby": y a-t-il un problème avec les crèches en France?

Une semaine après la mort d'une fillette de 11 mois, les témoignages s'accumulent contre le groupe "People & Baby" avec des parents inquiets et des salariés dénonçant des conditions de travail sous pression et à bout. Mais ce drame est aussi le révélateur de problèmes persistants dans les crèches en France.

Le groupe "People & Baby" dans la tourmente. Depuis une semaine, des familles témoignent d'actes de maltraitance dans les crèches et des salariés dénoncent des conditions de travail qui se dégradent et parfois de collègues qui dérapent avec les enfants. Le tout, à la suite de la mort d'un bébé de onze mois, tué par une employée de la micro-crèche "Danton Rêve", à Lyon, qui ne supportait plus les pleurs de l'enfant et lui a fait boire du Destop. Cette crèche a été fermée administrativement par la préfecture du Rhône, ce vendredi, pour une durée de trois mois renouvelable une fois.

Depuis ce drame, cet acteur majeur de la petite enfance en France est toujours muet. Un silence qui n'étonne pas un ancien cadre responsable opérationnel du groupe:

"On n'avait pas le droit de communiquer sur des actions, des faits. Il y avait des crèches en difficulté et il ne fallait surtout pas que ça s'ébruite. Il y a une image du groupe à garder", témoigne Jérémy* sous anonymat.

Une direction muette, des salariés préssurisés

Pour lui, la direction, mise au courant par les salariés, est pourtant toujours restée muette face au mal-être de ses salariés dans les crèches et porte une responsabilité dans ce drame: "Ce qui s'est passé n'est pas excusable, mais la personne n'est pas la seule responsable: le groupe est aussi responsable car il ne s'apprête pas à la sécurité physique et mentale de ces collaborateurs."

Plusieurs collaborateurs du groupe ont témoigné au micro de RMC depuis le drame survenu à Lyon. Tous nous ont dit qu'ils étaient sous pression, sous tension faute de personnel, mais surtout à bout. Certains témoignent d’actes de maltraitance sur les enfants, et expliquent ces dérapages par des conditions de travail difficiles et les manques d'investissement du groupe dans les crèches.

"C'est les environnements de travail maltraitants qui font des professionnels maltraitants", explique Julie Marty-Pichon, membre de la Fédération Nationale des Educateurs de Jeunes Enfants.

Un problème "structurel et général"

Elle considère qu'il y a, avant tout, un problème structurel et "général" à beaucoup de structures car "on ne se lève pas un matin en se disant qu'on va donner de la purée bouillante à un gamin":

"Quand on n'a pas les moyens de faire son travail correctement, il y a des professionnels qui sont usés et fatigués. Quand vous décidez que vous donnez plus de bébé pour tant d'encadrant, qu'il est possible d'accueillir 15% d'enfants supplémentaires par rapport à votre aggrément ou que les personnels moins diplômés sont majoritaires dans les équipes, il ne faut pas s'étonner."

Aujourd'hui, un professionnel peut encadrer jusqu'à six enfants maximum quel que soit l’âge. Dans certaines crèches, seulement deux auxiliaire s'occupent de douze bébés. Concernant le recrutement et la formation du personnel, depuis une dizaine d’années, vous pouvez faire fonctionner une crèche avec seulement 40 % d'employés qualifiés et diplômés, les autres pouvant avoir seulement une formation de base non qualifiante et sans diplôme pour travailler avec des enfants. Le "rapport des 1000 premiers jours", rapport de référence sur la petite enfance préconise pourtant d'avoir au moins de 70 % de diplômés dans une crèche.

Changer le système de financement?

Pour Julie Marty-Pichon de la fédération nationale des éducateurs de jeunes enfants il faut avant toute chose changer le système de financement des structures que les crèches soient gérées par des organismes publiques ou associatifs surement pas privés

"Il y a une pression à avoir des crèches pleines voire surbookées. Le secteur de la petite enfance ne doit pas être marchandisé. Il n'est pas possible de faire de l'argent sur le dos des enfants. C'est un marché rentable ! On est pour que le privé lucratif, dont "People & Baby" ne soit plus gestionaire de structure."

Elle le rappelle, depuis 15 ans, sa fédération alerte le gouvernement concernant les manques d'investissements dans les crèches en France et ses conséquences psychos sociales.

Contactée par RMC, la direction de "People & Baby" n'a pas souhaité, pour l'instant, répondre à nos sollicitations.

* le prénom a été modifié

Romain Poisot (avec MM)