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Moisissures, "usine à fric", maltraitance: les témoignages sombres d'employés de crèches People&Baby

EXCLU RMC. Après la mort d'un bébé de 11 mois dans un établissement People&Baby il y a dix jours, plusieurs employés ont témoigné auprès de RMC de la maltraitance quotidienne observée dans les crèches du groupe. Ils dénoncent aussi l'insalubrité des locaux, l'emploi de personnel non qualifié ou encore le retard en approvisionnement de couches.

Les témoignages s'accumulent après la mort d'un bébé de 11 mois dans une crèche People&Baby la semaine dernière à Lyon. Après celui d'une mère annonçant avoir déposé plainte en 2021 contre le groupe après avoir constaté des traces de maltraitance sur son enfant, et celui d'une ancienne directrice de crèche lilloise, c'est une employée encore en poste dans un établissement People&Baby qui a accepté ce vendredi de témoigner pour la première fois sur RMC.

Camille travaille depuis un an dans une creche people and baby en tant que puericultrice en Seine-Maritime. Cette puéricultrice observe de la maltraitance quotidienne envers les enfants qui viennent à la crèche où elle travaille depuis un an.

"J'ai déjà vu une de mes collègues secouer un enfant par les épaules parce qu'il ne voulait pas arrêter de pleurer, la même collègue mettre un gant plein d'eau sur le visage d'un enfant pour la même raison. [...] Autre chose, qui s'est passée aujourd'hui, ma collègue a donné de la purée bouillante à un bébé, il a hurlé de douleur, et elle a insisté car elle n'avait pas le temps d'attendre que ça refroidisse, il fallait passer à quelqu'un d'autre après", raconte Camille.

"Ca arrive trop souvent chez People&Baby, (...) Je me sens un peu complice, j'assiste à ça et je ne peux rien faire"

Quand elle observe ces maltraitances, elle explique prendre l'enfant et aller s'isoler avec lui. "C'est incroyable d'en arriver-là", souffle-t-elle.

Camille nous a aussi parlé de propos humiliants pour les enfants, des moqueries lorsqu’un bébé en phase d’apprentissage de la propreté et qu'il fait pipi dans sa couche, ou encore des bébés qu’on laisse pleurer dans le dortoir pour que le personnel puisse souffler un peu... La puéricultrice assure avoir déjà dénoncé ces actes à plusieurs reprises auprès de sa direction.

"On m'a répondu que, de toutes façons, les filles étaient déjà embauchées, donc qu'elle ne pouvait plus rien faire", déplore Camille. "Ca arrive trop souvent chez People&Baby car quand il y a des problèmes comme ça, la direction n'intervient pas, donc ça laisse la porte ouverte à tout.

"De la moisissure sur les murs du dortoir"

Pour elle, la direction est donc complice de ne pas être suffisamment sur le terrain pour contrôler. Et plus de la maltraitance, la puéricultrice dénonce aussi l'insalubrité des bâtiments où se trouve la crèche. Et ses employeurs lui demanderaient de cacher la réalité aux parents des enfants, selon elle.

"Vu qu'il y a de la moisissure sur les murs dans le dortoir, on va inventer une histoire comme quoi il y a des bébés qui dorment dans le dortoir pour pas que les parents rentrent dans le dortoir et voient les moisissures", explique-t-elle, avant de poursuivre: "Je me sens un peu complice, j'assiste à ça et je peux rien faire, j'ai envie et j'ai besoin de m'exprimer sur ce qui se passe, que les parents le sachent, j'ai l'impression que ça me libère".

"Une usine à fric au détriment de l'enfant"

RMC a reçu d'autres témoignages de salariés actuellement en poste qui dénoncent aussi des conditions de travail intenables dans différents établissements People&Baby. Ils évoquent le manque de personnel qualifié et le recours à des intérimaires non diplômés qui ne connaissent pas la petite enfance, des problèmes d'aprovisionnement en couches ou en lait en raison d'un retard de paiement aux fournisseurs ou encore des problèmes d'investissement avec des travaux qui tardent à être faits.

Un travail sur la "qualité perçue"

Certains parlent notamment d'une sortie de secours qui ne fonctionne plus depuis un mois ou d'une porte d'un local technique qui ne ferme plus et qui a donc permis à un enfant d'y aller et de jouer avec une pastille de javel.

L'ancienne directrice d'une dizaine de crèches en Île-de-France en vient même à qualifier le groupe "d'usine à fric au détriment de l’enfant". Selon elle, ses supérieurs lui demandaient de "travailler sur la qualité perçue" dans les établissements, en ajoutant notamment des plantes ou des tableaux pour soigner l'image du groupe.

RMC a tenté de contacter à plusieurs reprises le groupe People&Baby, sans retour de leur part. La seule communication de l'entreprise depuis le début de l'affaire date du début de semaine, dans un communiqué adressé aux parents, assurant que rien ne pouvait laisser présager d'un tel acte dans l'affaire de la mort du bébé de onze mois à Lyon.

Romain Poisot